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tâches les plus variées, sont chez lui des dons précieux, qui lui seront d’un grand secours au quai d’Orsay. Il s’est cependant défié, sinon de ses forces et de ses aptitudes, au moins de ce que sa préparation pouvait avoir de provisoirement incomplet, et il a prié M. Jules Cambon d’être son collaborateur immédiat. C’était un devoir pour M. Cambon de donner cette collaboration, dans un moment où sa compétence diplomatique, éprouvée dans des postes divers et qui s’est manifestée d’une manière si éclatante dans le dernier, pouvait en effet être précieuse entre toutes. Qui connaît mieux que lui l’Allemagne, choses et hommes? Sous le titre modeste de secrétaire général, le seul qu’il ait voulu accepter, il rendra, nous n’en doutons pas, de grands services au ministère des Affaires étrangères. En l’y appelant, M. Briand s’est inspiré du sentiment public qui le désignait et lui a donné satisfaction. Le nouveau ministère se présente donc dans les meilleures conditions de succès et de durée, et nous souhaitons de grand cœur qu’elles se réalisent, car rien ne serait pire en ce moment que l’instabilité gouvernementale. Il aurait fallu conserver le Cabinet Viviani, si on l’avait pu. Le patriotisme bien entendu doit s’appliquer aujourd’hui à soutenir le Cabinet Briand et à le faire vivre jusqu’à la fin des hostilités.

Quand viendra cette fin? Suivant toutes les apparences, elle est encore lointaine, et il faut savoir gré à M. Briand de l’avoir dit à la Chambre avec une courageuse franchise. Sa première rencontre avec le parlement a été heureuse. La déclaration ministérielle, qui s’est bornée à parler de la défense nationale, a été bien accueillie et applaudie au Luxembourg et au Palais-Bourbon. Comme on devait s’y attendre, sa lecture a été suivie, à la Chambre, d’une demande d’interpellation dont le gouvernement a demandé la discussion immédiate. Elle a eu lieu en effet tout de suite et s’est terminée le mieux possible, puisque M. Briand a obtenu, pour un vote de confiance, l’unanimité des voix, moins une. Il a fort bien parlé, suivant son habitude, et sa péroraison, animée du plus ardent patriotisme, a soulevé l’enthousiasme de la Chambre entière. Il a affirmé la résolution la plus ferme de poursuivre la lutte jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au refoulement de l’ennemi au-delà de nos frontières et de celles de la Belgique. Et après? demandera-t-on peut-être. A chaque jour suffit sa peine : le moment n’est pas encore venu de parler des conditions de la paix. M. Renaudel avait eu l’imprudence de le faire dans une phrase où il repoussait par avance toute pensée de conquête et d’annexion. On a cru, — il avait été mal compris et s’en est expliqué aussitôt