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l’extrême gauche jusqu’à la droite, depuis M. Jules Guesde jusqu’à M. Denys Cochin, en passant par M. Combes qui représente la vieille garde du parti radical-socialiste, et par M. Malvy qui continue d’y représenter la nouvelle. Si nous étions dans un temps normal, il y aurait de notre part plus que des réserves à faire sur quelques-uns de ces noms, et leur assemblage pourrait paraître étrange; mais nous sommes dans un temps exceptionnel où la tolérance des uns envers les autres est la seule garantie possible de l’union de tous. M. Méline, M. Denys Cochin l’ont compris et, puisqu’on leur demandait leur concours, ils ne pouvaient pas le refuser. Ils représentent avec une fidélité qui ne s’est jamais démentie, le premier, la république modérée et progressiste, le second, la droite bienveillante à toutes les bonnes volontés qui mettent la France au-dessus des partis.

Au reste, il n’y a plus de partis pour le moment. Bien coupable serait celui qui travaillerait à faire prévaloir ses préférences personnelles sur celles du voisin. Une même pensée, un même sentiment unissent tous les Français dans une seule préoccupation, celle de la victoire qui chassera les Allemands de notre territoire et les refoulera sur le leur. Toutes les préoccupations de nos ministres sont et resteront tournées vers le salut du pays, et, si quelque germe de discorde venait à s’introduire entre eux, ils n’auraient qu’à songer à la présence de l’ennemi à quelques kilomètres de Paris pour se retrouver d’accord aussitôt. Une des caractéristiques du ministère actuel est l’institution des ministres d’État, ainsi dénommés parce que, n’ayant pas de portefeuille spécial, ils n’ont à s’occuper que des intérêts généraux. Quelques-uns d’entre eux, M. de Freycinet par exemple, n’ont peut-être plus, vu leur âge, les forces physiques nécessaires au labeur quotidien d’un département ministériel, mais leur vigueur d’esprit restée intacte, et leur grande expérience en font les meilleurs conseillers d’un gouvernement, et M. Briand a eu grandement raison de se les attacher. Il y a enfin, dans le ministère, une nouveauté qui, en ce moment surtout, ne saurait être trop approuvée : un général à la Guerre et un amiral à la Marine. La présence du général Galliéni rue Saint-Dominique y fera moins regretter le départ de M. Millerand, et celle de l’amiral Lacaze rue Royale a produit dans la marine une impression de soulagement et de confiance. On se demandait entre quelles mains serait placé le portefeuille des Affaires étrangères, qui, toujours si important, l’est aujourd’hui plus que jamais. M. Briand l’a gardé pour lui. La souplesse de son intelligence et la bonne grâce de sa parole, jointes à la facilité avec laquelle il s’adapte aux