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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Nous disions, il y a quinze jours, que le ministère Viviani avait obtenu une fois de plus la majorité à la Chambre, mais que ce vote ne l’avait pas consolidé : il éprouvait cette difficulté de vivre que Fontenelle ressentait à la veille de sa mort. On ne lui reprochait cependant rien de précis ; mais tout s’use, et il faut bien avouer que ce ministère n’avait pas été constitué pour traverser une étape aussi longue que la guerre devait l’être. Il avait des points faibles, des élémens insuffisans et ne représentait pas d’une manière complète cette « union sacrée » dont on a tant parlé. Il ne représentait même pas le parti républicain tout entier : à plus forte raison la droite en avait-elle été exclue. Sur tous ces défauts on avait fermé les yeux par patriotisme, et on aurait continué de le faire si des espérances qui semblaient raisonnables s’étaient réalisées, si des mécomptes ne s’étaient pas produits. Depuis quelque temps, un malaise régnait dans les esprits. En pareil cas, le besoin de changer devient de plus en plus impérieux : il était inévitable qu’on finît par y céder. A peine l’a-t-on eu fait, qu’un mouvement de sympathie a eu lieu en faveur du Cabinet démissionnaire. On s’est demandé si on n’avait pas été un peu injuste envers lui, surtout envers le ministre de la Guerre, M. Millerand, qui a été un bon ouvrier de la défense nationale, et qui, par un travail acharné, a réparé pour une bonne part des défauts de préparation dont il n’était pas responsable. On lui battait froid la veille ; les mains se sont chaudement tendues vers lui le lendemain. Mais le ministère Viviani n’était déjà plus : le ministère Briand occupait la scène.

C’est un grand ministère, non seulement par le nombre de ses membres qui dépasse tout ce qu’on avait vu jusqu’ici, mais par la notoriété ou l’illustration de plusieurs d’entre eux. Cette fois, le pays était vraiment représenté dans tous ses élémens politiques, depuis