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LA CAMPAGNE COLONIALE DES ALLIÉS
EN 1914 ET 1915

I

Le 1er juillet 1896, le duc de Broglie publiait dans la Revue des Deux Mondes un article intitulé : « Vingt-cinq ans après, » et qui eut un grand retentissement. « La perte de nos deux provinces, écrivait-il, n’est point un de ces sacrifices d’orgueil ou de sentiment dont, après quelques paroles d’oraison funèbre, on puisse se consoler ou se distraire : c’est une infirmité calculée d’avance par nos vainqueurs, parfaitement connue de tous nos rivaux et destinée à affaiblir, même en temps de paix et dans les relations ordinaires, toute notre action politique. » Il ajoutait, en parlant toujours des conséquences malheureuses pour la France de la guerre de 1870 : « Contre les abus de la force qui passent une certaine mesure, s’élève non seulement du fond des cœurs, mais du sol lui-même, une protestation qui, même silencieuse, finit, si elle persiste, par se faire entendre. » Se retournant alors vers les partisans des aspirations coloniales, il disait : « Quel est le principal reproche que nous faisions à cette éclosion soudaine d’aspirations coloniales ? Notre crainte était de voir la France se laisser entraîner à disséminer sur des points, épars et éloignés, du monde les forces et les ressources de toute nature qu’un intérêt supérieur lui faisait la loi de concentrer sur un seul et de rassembler en elle-même. »

D’autre part, tout le monde savait que M. de Bismarck favorisait les tendances colonisatrices des Français. Il avait ses