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aujourd’hui que la marine nationale opère seule, quel émolument lui en reviendra-t-il ? Longtemps on l’a traitée sur le même pied que les corsaires. Les prises faites par elle et validées lui profitaient directement. Le navire ou la cargaison saisis étaient vendus, et le prix en était partagé entre les commandans, état-major et équipage du bâtiment capteur, suivant des règles complexes, minutieusement tracées dans des décrets. La règle s’introduisit, ensuite, d’opérer sur ce prix un prélèvement de trente pour cent, au profit de la Caisse des invalides de la marine. On associait ainsi la collectivité des marins au bénéfice du succès de quelques-uns. Actuellement, on va plus loin. On pense que la récompense à donner à des officiers et à des hommes de la marine nationale, qui ont fait une capture, ne peut pas consister en une prime pécuniaire. C’est pour consacrer cette idée que le gouvernement a récemment, le 6 mai 1915, déposé sur le bureau de la Chambre des députés un projet de loi, qui supprime les « parts de prise » attribuées jusqu’ici aux capteurs. D’après ce projet, le produit de la vente des prises maritimes entrerait dans le trésor public. Un tiers en serait réservé, pour constituer un fonds de secours au profit de tous les marins victimes de la guerre actuelle, de leurs veuves et de leurs orphelins. Le projet se termine par un article portant que ce régime nouveau s’appliquera à toutes les prises faites depuis le début de la guerre actuelle. En prévision de son adoption, on a différé la répartition de leur prix. Si cet article final est admis par le Parlement, il aura créé un cas nouveau, assez curieux, de rétroactivité législative.

Voyons maintenant le cas où la prise est infirmée. La décision du Conseil des prises s’impose (sauf appel) à l’administration, qui doit restituer le bâtiment ou la cargaison confisqués. Mais ce n’est pas tout. Le propriétaire de ce bâtiment ou de cette cargaison peut se plaindre de ce qu’on ait sans droit saisi ses biens. L’arrêt de son navire ou de sa marchandise aura pu, en effet, lui faire manquer des opérations avantageuses. Dans ce cas, il a toujours été admis que le Conseil des prises pouvait condamner l’État à payer une indemnité. Il ne le fait, toutefois, que s’il n’y avait pas une raison qui motivât suffisamment la capture provisoire. Tel serait le cas, par exemple, si le navire capturé n’avait pas ses papiers de bord en règle. D’autre part, si le ministre de la Marine a ordonné la relaxe spontanément,