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Belgique, nous n’avons pas hésité à violer celle de la Grèce. Quand cela serait vrai, ce ne serait pas à eux à s’en plaindre ; mais la neutralité de la Grèce ne ressemble en rien à celle de la Belgique ; elle n’a pas un caractère permanent ; elle n’est pas le résultat de traités internationaux qui portent notre signature ; nous ne l’avons nullement garantie. Quand l’Allemagne nous a déclaré la guerre, nous n’avons pas eu la sottise de dire qu’elle violait notre neutralité. Il n’y a aucune analogie entre des cas aussi divers. La Grèce seule pourrait ici nous adresser un reproche et nous verrions alors ce que nous aurions à faire : quant à la protestation du gouvernement allemand, si fin connaisseur en matière de neutralité, il est permis d’en rire et de passer outre. Nous n’en parlons qu’à titre de curiosité.

Ce qui est plus sérieux, c’est notre situation en Serbie. Dès que la mobilisation bulgare a été connue et qu’il a été impossible de s’illusionner sur les intentions dans lesquelles elle avait été faite, la presse française a dit, dans l’impétuosité de son premier mouvement : Trêve de paroles, passons aux actes, il n’y a pas un moment à perdre pour aller au secours de la Serbie ! Et assurément elle avait raison, mais n’aurait-elle pas dû ajouter qu’avant de débarquer à Salonique, il fallait s’entendre avec nos Alliés sur la participation que chacun d’eux prendrait à une expédition nouvelle qui ouvre un nouveau front à notre activité commune ? On n’en a rien fait, [et nous nous sommes engagés seuls en Serbie avec un très faible effectif. Les Anglais n’ont pas tardé à nous y rejoindre ; mais que font les Italiens et les Russes ? On n’en sait rien. Pourtant chaque jour la situation se développe et il semble bien que, si nous avons prévu les événemens, ce qui est douteux, nous nous y sommes insuffisamment préparés. Pour le moment, la situation est la suivante. Les Bulgares n’ont pas encore bougé : en revanche, les Austro-Allemands ont bombardé Belgrade et s’en sont emparés. Ce n’est pas un fait d’armes bien glorieux ; il ne préjuge en rien la suite des opérations. Belgrade a été bombardé et rebombardé à maintes reprises. La ville a été occupée, puis évacuée par les Autrichiens. Elle est comme en bordure de la Serbie. Dès le commencement des hostilités, le gouvernement serbe, ne s’y sentant pas en sécurité, l’a quittée pour se rendre à Nich. Qu’elle soit occupée de nouveau par l’ennemi, le fait n’a pas en soi grande importance militaire : il prouve seulement que la campagne contre la Serbie est commencée. Les Bulgares observent, attendent : ils ne jugent pas les Austro-Allemands assez engagés pour s’engager eux-mêmes. Les Serbes sont encore trop forts. Se rappelle-t-on, dans