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part des auteurs, à estimer la valeur de cette « contribution » de l’Allemagne sans l’ombre de prévention ni de parti pris.


Après quoi je demandais timidement à M. Paterson et à mes lecteurs si le moment leur semblait bien choisi pour un tel examen « impartial » de la « riche contribution des Allemands au trésor commun de l’humanité civilisée. » Je leur demandais si « dans les circonstances présentes, » l’erreur consistant à ne pas apprécier suffisamment cette « contribution » leur apparaissait vraiment assez dangereuse pour exiger qu’un groupe de savans d’outre-Manche se missent aussitôt en devoir de la rectifier. Bien loin de reprocher au recueil écossais de « renfermer une apologie passionnée de la civilisation allemande, » j’aurais été tenté plutôt de lui reprocher d’être trop « calmement objectif, » de ne pas vouloir apporter « l’ombre de prévention ni de parti pris » à l’étude des mérites intellectuels et esthétiques d’une race qui, vers le même temps, ne se faisait pas faute de nous témoigner un mélange de mépris et de haine.

Voilà, bien au juste, ce que je disais, il y a trois mois, du recueil inspiré par M. Paterson ; et l’on ne m’ôtera pas de l’idée que l’honorable professeur écossais est aujourd’hui tout proche de penser comme moi, touchant l’opportunité de son entreprise. Maints passages de l’éloquente lettre qu’il nous envoie me semblent attester qu’il ne juge plus aujourd’hui la civilisation allemande de la même façon qu’il y a six mois, ou du moins que les défauts de cette civilisation le frappent désormais beaucoup plus vivement qu’alors. Changement qui, d’ailleurs, n’aurait rien de surprenant, ni d’exceptionnel : car le fait est que, à en juger par le ton des journaux et des livres anglais, c’est comme si la Grande-Bretagne tout entière, ces mois derniers, avait décidément achevé d’ouvrir les yeux sur le vrai caractère des compatriotes du comte Zeppelin. Et certes, quelle qu’ait pu être jadis l’opinion d’un certain nombre de professeurs écossais, personne de chez nous ne s’aviserait à présent de soupçonner leur noble et glorieuse patrie de « se montrer tiède pour la poursuite d’une guerre » dont l’issue prochaine marquera, — nous sommes dorénavant tous d’accord à le proclamer, — le triomphe bienheureux de la « civilisation » sur la « barbarie ! »


T. DE WYZEWA.