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J’ai promis, le mois passé, de publier aujourd’hui le texte complet de la lettre adressée au directeur de la Revue par le professeur Paterson, en réponse à mon article sur un volume où M. Paterson lui-même et un groupe de ses collègues étudiaient l’histoire des modes différens de la Civilisation allemande. Voici donc cette lettre, traduite aussi fidèlement qu’il m’a été possible :


Monsieur le directeur,

Je fais appel à votre courtoisie pour obtenir de vous la permission de rectifier le jugement porté par M. de Wyzewa, dans une récente livraison de votre Revue, sur le livre anglais intitulé la Civilisation allemande.

Votre collaborateur décrit ce livre comme renfermant une apologie passionnée de la civilisation allemande. En réalité, comme je l’ai indiqué dans ma préface, le livre est une tentative impartiale pour apprécier la manière dont l’Allemagne a contribué aux taches supérieures du monde civilisé ; et le résultat dominant de l’enquête ainsi ouverte est que la vérité se trouve à mi-chemin entre les opinions défavorables émises pendant le cours de la présente guerre et les prétentions énoncées volontiers par les Allemands eux-mêmes dans leur récent « accès de mégalomanie. » M. de Wyzewa ne parle pas de plusieurs passages du livre où sont signalées les limites du génie allemand, et où mes collaborateurs notent des indices de la décadence du caractère national allemand pendant les cinquante dernières années[1]. Il est vrai que les auteurs du recueil reconnaissent pleinement la suprématie allemande en matière de philosophie aussi bien qu’en matière de musique : mais, dans l’article sur l’Art allemand, le professeur Baldwin Brown se demande si l’Allemagne a le droit d’être appelée une race artistique[2], et M. Sadler, dans son article sur l’Éducation allemande, exprime l’opinion que le système fameux de la pédagogie allemande doit être considéré comme un avertissement plus encore que comme un exemple. Qu’il me soit permis également de citer cet extrait de ma propre étude sur la Théologie allemande :

« Pendant les quarante dernières années, c’est à peine si l’Allemagne a produit un poète ou un romancier dont le nom soit connu à l’étranger. Dans les arts, particulièrement, il semble que son inspiration ait subi de nos jours une crise de défaillance. En philosophie, le déclin est manifeste depuis la rigueur morale de Kant et l’élan majestueux de Hegel jusqu’au pessimisme cynique de Schopenhauer, et plus encore jusqu’au

  1. M. Paterson me permettra-t-il d’ajouter que ces « passages » sont extrêmement rares, et ne se trouvent guère que dans les chapitres consacrés à l’Éducation et à la Théologie ? (T. W.)
  2. Ce qui n’empêche pas M. Baldwin Brown de nous déclarer que « les Allemands ont créé de grandes choses dans tous les arts, » et de terminer même son chapitre par un éloge enthousiaste de la peinture religieuse d’un maître munichois de notre temps. (T. W.)