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Allemagne. La France, d’après lui, depuis vingt ans, avait complètement renoncé à la « revanche, » et ne demandait qu’à vivre en paix avec tous ses voisins, et en particulier avec l’Allemagne. Si, depuis une dizaine d’années, les relations entre les deux peuples ont été plus d’une fois tendues, la faute en était toujours à l’Allemagne qui se vengeait par des coups de force des constantes maladresses de sa lamentable diplomatie.

Pas plus que la France, la Russie ne souhaitait et ne voulait la guerre. Des intérêts divergens, des souvenirs communs de famille et d’histoire, de bonnes relations économiques et intellectuelles, tout semblait devoir maintenir les deux Empires voisins en bonne intelligence. Prétendre le contraire, c’est travestir la vérité : « confusion des esprits indescriptible, océan de mensonges et de falsifications, qui est malheureusement teint de rouge, et menace de submerger complètement notre bonheur et notre bien-être. »

Et enfin, pour ce qui est de l’Angleterre, celui de tous ses ennemis que l’Allemagne hait de la haine la plus vivace, comment soutenir sérieusement qu’elle ait provoqué et machiné la guerre ? Et l’auteur de J’accuse ! rappelle en quelques pages très nourries et très persuasives les efforts véritablement inlassables faits par l’Angleterre aux divers congrès de La Haye, et en dehors de ces congrès, pour assurer la paix, pour régler l’arbitrage, pour limiter et diminuer les arméniens, pour se rapprocher de l’Allemagne ; et l’Allemagne, toujours, repoussant ces avances, ou tâchant de les exploiter à son profit, ou faisant avorter, par son opposition systématique et hargneuse, toutes les tentatives, même les plus anodines, pour soustraire à la force brutale les rapports internationaux.

Et la conclusion de tout ceci est que, de toutes les grandes Puissances engagées dans le présent conflit, les deux seules qu’on puisse accuser de l’avoir délibérément préparé sont l’Autriche et l’Allemagne.

Ce qui donne à cette conclusion le caractère d’irréfutable démonstration, c’est l’examen impartial et complet des faits et des pourparlers qui ont immédiatement précédé l’ouverture des hostilités. L’auteur de J’accuse ! se livre à cet examen et le poursuit avec une conscience critique, une rigueur logique difficiles à surpasser. Des différentes publications diplomatiques, — et du Livre Blanc et du Livre Rouge eux-mêmes, — il extrait les