Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/910

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un homme. Entre temps, il lui arrive des aventures sentimentales quelconques. Bientôt il se fiance à une charmante orpheline, Alice Delorme, mais, à ce moment précis, un nouvel ordre l’expédie au Tonkin où il est grièvement blessé dans un combat contre les pirates. Fort heureusement il ne meurt pas. Il reçoit la croix de la Légion d’honneur et se marie avec Alice Delorme. Tout finit pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Ce dénouement d’une souriante aménité surprend, déconcerte par son aménité même, surtout quand on l’oppose à la philosophie des premiers romans de Nolly. Vraisemblablement, séduit par la vertu de l’énergie, il a voulu cette fois prôner la splendeur de l’effort, crier la noblesse du métier des armes, spécialement celle du rôle de l’officier colonial, à de jeunes générrations qu’il sentait menacées par l’appât d’une existence facile exigeant le minimum de travail et promettant le maximum de plaisir. Soucieux d’attirer des disciples dans une carrière qu’il aimait, il était de ceux qui suivaient, angoissés, attentifs, la diminution inquiétante du nombre des candidats à nos écoles militaires. Si l’on veut sainement apprécier combien ses appréhensions étaient fondées il suffit de lire les conseils donnés jusqu’à la veille de la guerre actuelle par des maîtres distingués à des élèves cherchant une direction pour la vie. Trop souvent ces conseils étaient nettement défavorables aux carrières militaires. M. Villey, professeur à la Faculté des lettres de Caen, a publié à cet égard des pages bien suggestives d’une haute, d’une vaillante franchise. Nolly, déterminé à réagir contre un courant qu’il voyait clairement s’étendre, a pris le parti, dans le Chemin de la Victoire, de montrer une réussite, croyant par-là gagner plus d’adeptes à sa cause. Je ne sais s’il persuade très complètement son lecteur de ce qu’il veut lui donner à entendre. Il peut arriver, cela s’est vu, que les efforts opiniâtres d’un officier ne soient pas couronnés par le succès. Le contraire se voit aussi, heureusement, comme dans le Chemin de la Victoire. Néanmoins, la beauté supérieure de la vocation militaire ne réside pas dans le succès plus ou moins complet de celui qui s’abandonne à ses hasards. Elle apparaît surtout dans celui qui, n’étant pas récompensé selon ses mérites, persévère dans son état, y demeure attaché et, en dépit de ses amertumes secrètes, continue ses services avec le même inlassable dévouement. Telle est la leçon immortelle que Vigny a