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d’ordonnance. Nous avons vécu là quelques bonnes heures, à causer ensemble dans le charmant vieil hôtel de la paisible rue Oudinot.

En 1913, je regardai Détanger coopérer à la préparation de la revue qui, d’Asie et d’Afrique, amena, le 14 juillet à Longchamp, spahis et tirailleurs, superbe évocation de la grandeur de notre empire colonial.

Dans la foule, plus nombreuse que de coutume, empressée à contempler le défilé pittoresque où ces troupes exotiques se mêlaient à nos troupes métropolitaines, qui mesurait alors exactement l’importance du concours dont ces auxiliaires devaient nous fournir bientôt, sur notre propre sol, la preuve irrécusable ? D’ailleurs, en dépit des incidens multiples, malgré les avertissemens réitérés d’esprits clairvoyans, qui pensait, à part soi, que le péril dût fondre si prochainement sur nous ?

L’année d’après, en plus des ouvrages qu’il se préparait à publier, Nolly m’entretenait de son désir d’exhumer un dossier, en partie inédit, feuilleté par lui dans les archives du ministère, où éclate, prodigieuse d’ampleur, de pénétration, d’ingéniosité, l’intelligence de Dupleix, attachante, sublime figure, incarnation suprême et complète des dons colonisateurs conférés à notre race.

Dans les premiers jours de juillet 1914, devant me rendre moi-même au Maroc, j’allai demander à mon camarade quelques renseignemens. Nous nous serrâmes la main. Je partis. Nous ne devions plus nous revoir. Ce n’est donc pas sans une émotion particulière que je relis son œuvre, son œuvre si vibrante, si perspicace, si pleine d’enseignemens et de pressentimens féconds. Pour l’apprécier tout à fait sainement, plus d’impartialité vaudrait mieux sans doute. Mais pour démêler, pour commenter une pensée, la sympathie, l’affection, les souvenirs d’efforts communs sont aussi de précieux guides. C’est en m’aidant de leur appui que j’essaierai de rappeler les traits principaux de cette œuvre, de cette physionomie de soldat et d’écrivain.


Hiên le Maboul parut vers la fin de 1908. Une courte mais délicieuse préface de M. André Rivoire présentait l’auteur au public. En lisant le manuscrit, M. Rivoire avait été, disait-il, « frappé et séduit par la force et la délicatesse des