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l’Europe qui n’avait encore jamais été atteint. En même temps, les voyageurs qui, en temps ordinaire, dépensent, bon an, mal an, des sommes importantes de ce côté de l’Atlantique, restaient chez eux : les remises de fonds que leurs banquiers leur expédiaient pendant leur séjour à Paris, à Londres, en Italie, firent défaut. La difficulté pour les Alliés de payer leurs achats en Amérique s’en accrut d’autant.

Comment la situation économique se présentera-t-elle au cours des mois à venir ? Il est difficile de se prononcer à cet égard sans envisager en même temps le côté politique de la question. Car, bien que l’Amérique ne soit engagée par aucune alliance ni par aucun intérêt direct dans la lutte qui se poursuit, elle s’est trouvée atteinte par les meurtres répétés d’un certain nombre de ses nationaux, dont les corsaires teutons se sont rendus coupables.

Vis-à-vis des défis allemands aussi bien qu’en face des folies révolutionnaires mexicaines, le président Wilson a suivi une politique de temporisation, difficile à comprendre pour des Européens, et même pour bon nombre d’Américains. Voilà un an que M. Théodore Roosevelt a proclamé le devoir pour les Etats-Unis, signataires de conventions internationales, de les faire respecter par ceux qui les violent outrageusement. Nous ignorons la tournure que prendront les événemens. En attendant, le fait que, au milieu de cette conflagration, l’Amérique est restée neutre, a permis à sa banque, à son industrie et à son commerce extérieur de se développer, alors que ceux des belligérans étaient plus ou moins paralysés. Non seulement ses banques sont activement occupées à ouvrir des succursales dans les diverses Républiques de l’Amérique latine ; non seulement elle est venue prendre sur certains marchés la place que les grandes nations exportatrices étaient temporairement forcées d’abandonner, mais elle approvisionne les belligérans de matières premières, d’objets fabriqués, d’armes, de munitions de toute sorte. Il en résulte une accélération de l’enrichissement de la grande République, qui se traduit en particulier par des arrivages d’or destinés à payer les marchandises expédiées au dehors.

Quel sera l’effet de cette invasion de métal précieux, de laquelle certains Américains s’effraient, comme ils s’effrayaient il y a une vingtaine d’années des excédens budgétaires, dont ils déploraient la persistance ? En remplissant d’une façon