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théâtrales. Celles de son fils furent surtout remarquables par leur simplicité, comme si les organisateurs avaient voulu détourner l’attention publique de ce malheureux prince et le faire oublier.

Enfin, le 25 juin, avait lieu l’ouverture de la session du Reichstag. L’Empereur s’y montra devant les représentans de son peuple, casque en tête, son uniforme couvert du manteau de pourpre des chevaliers de l’Aigle-Noir. Rois et roitelets de la Confédération germanique étaient groupés autour de lui et, à son immense auditoire, il jeta des paroles de paix. Mais ce n’est pas seulement sur lui que se portaient les yeux de la foule accourue pour le voir et pour l’entendre. Ils allaient aussi au prince de Bismarck, debout sur les marches de ce trône dont les Hohenzollern lui étaient redevables. Il était là, « rajeuni de dix ans, » plus grand et plus populaire que les plus populaires et les plus grands, presque l’égal de l’Empereur, tant il était fort de son influence sur lui et du prestige que lui avaient assuré les services rendus à l’Empire. En cette heure solennelle on peut lui appliquer le mot du poète : il marche vivant dans un rêve étoile. Mais sa puissance l’aveugle. Il ne s’aperçoit pas que la voie lumineuse sur laquelle il avance triomphant est en déclivité et qu’elle conduit à l’abîme. Il nous reste à raconter comment il y fut précipité.


ERNEST DAUDET.