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des moribonds ? La France ne doit pas et ne veut pas mourir encore. Elle le montre avec assez d’énergie depuis un an ! Et il faut bien croire que le résultat d’un si immense effort nous permettra tout au moins de rectifier dans une certaine mesure les injustices du sort à notre égard. On a vu le peu que nous possédions. Il me reste, pour conclure, à examiner ce que nous pouvons obtenir dans l’avenir. Je tâcherai de le faire avec toute la réserve que doit imposer à ses espoirs les mieux justifiés une conscience scientifique, et je n’imiterai pas nos adversaires en rêvant de conquérir toute la Westphalie. Mais, sans présomption excessive, il reste permis de supposer que l’Alsace-Lorraine, terre française, reviendra à la France avec ses annexes naturelles et que, dans la rédaction du traité de paix, nous pourrons faire insérer des conditions économiques avantageuses.

Notre situation, telle que nous venons de l’exposer, s’énonce en deux mots. Nous manquons de charbon, et nous avons beaucoup trop de fer. Chez les Allemands, c’est l’inverse. Ils ont commencé la guerre avec l’intention avouée de nous enlever nos minerais de fer lorrains. Mettons, si nous le pouvons, la main sur quelques-uns de leurs gisemens houillers. On va voir que cela ne suppose en aucune façon l’écrasement absolu de l’Allemagne. Les plus pessimistes ne sauraient donc voir là une chimère. Il suffit que nos diplomates, le jour où ils traiteront pour nous, se montrent renseignés sur nos besoins industriels les plus urgens, comme l’ont été en d’autres temps les négociateurs allemands, et qu’ils comprennent la nécessité d’un effort énergique dans un sens où ces besoins sont absolus.

Ne craignons pas de devancer les événemens pour attirer l’attention publique sur ce point ; car, à la dernière heure, nous devons logiquement prévoir l’intervention possible de certains intérêts privés en contradiction naturelle avec l’intérêt général. Sans mettre en doute aucun patriotisme, chacun comprendra que la disette du charbon, nuisible à la communauté, profile, en revanche, momentanément à quelques-uns, patrons et ouvriers, par la hausse de prix qui en résulte et qui accroît les bénéfices de nos mines. On peut donc s’attendre à l’antagonisme plus ou moins ouvert d’individus fortement agissans parce que directement intéressés, tandis que les intérêts trop vastes de la