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confiance. Leurs paroles ne comptent plus, leurs actes seuls pèsent dans la balance et ils pèsent en ce moment d’un poids très lourd. L’impression, en France, est qu’on a perdu beaucoup de temps et qu’on serait inexcusable d’en perdre encore : nous aimons à croire que cette impression n’est pas seulement la nôtre et qu’elle est aussi celle de nos Alliés. Le jugement de l’histoire serait sévère pour nous si nous ne faisions pas tout ce qu’il faut pour empêcher l’écrasement de la Serbie, à laquelle nous devons beaucoup et qui, depuis le commencement de la guerre, a toujours été docile à nos conseils. Sur les champs de bataille, elle a dépassé nos espérances. Mais aujourd’hui si, de la menace, les Allemands et les Bulgares passaient à l’exécution, comment pourrait-elle résister seule au double assaut qui lui serait livré ? Elle succomberait, et sa catastrophe entraînerait pour les Alliés des conséquences si graves qu’ils se doivent à eux-mêmes d’en écarter à tout prix l’éventualité. La Grèce a trop d’intelligence politique pour n’avoir pas compris tout de suite que le contrecoup des événemens qui se préparent, s’ils s’accomplissaient conformément aux desseins germano-bulgares, la frapperait elle-même en pleine poitrine. Elle a d’ailleurs un traité avec la Serbie qui l’oblige à venir au secours de celle-ci, si elle est attaquée par la Bulgarie. L’obligation est formelle ; nous avons eu néanmoins le regret de la voir contester depuis quelques jours par la presse qui fait opposition à M. Venizelos, et même pas M. Théotoky, ministre de Grèce à Berlin, sous prétexte qu’il n’y a engagement pour la Grèce que si la Serbie est attaquée par la Bulgarie seule et non pas à la fois par la Bulgarie et par d’autres Puissances : étrange et lâche sophisme que la presse favorable à M. Venizelos dénonçait comme contraire, non seulement à l’intérêt, mais à l’honneur de la Grèce.

Devant le fait accompli de la mobilisation bulgare, il semble bien que ces divisions aient disparu. M. Venizelos a proposé à son tour un décret de mobilisation à la signature du Roi et le Roi l’a signé. N’exagérons rien, c’est là seulement une mesure de précaution ; elle a probablement pour objet d’arrêter la Bulgarie au seuil même de l’aventure où elle s’engage et il est possible qu’elle produise cet effet ; mais elle le produira plus sûrement encore si des mesures encore plus efficaces sont prises par les Alliés. Nous regardons aussi du côté de la Roumanie : elle est le principal auteur du traité de Bucarest, elle s’est moralement engagée à le faire respecter. Sans doute ce traité n’est pas une œuvre intangible et immuable, mais ce n’est pas par la force qu’elle doit être modifiée. La Roumanie a d’ailleurs d’autres raisons