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permet de manipuler les obus explosifs sans aucun danger. En outre la faculté de fondre la mélinite par grandes quantités et sans danger[1] permettait de la couler dans les obus à pleine densité déchargement, ce qui produisait un maximum de puissance. D’autre part, la grande vitesse de propagation de l’onde explosive dans la mélinite qui est de plus de 6 000 mètres par seconde et sa constitution chimique lui assurent une explosion extrêmement brisante dont les effets sont foudroyans.

Sous l’action de la mélinite qu’il contient, notre petit obus explosif de 75 est brisé en plusieurs milliers de fragmens aigus dont chacun possède encore à plusieurs dizaines de mètres un pouvoir de pénétration suffisant pour causer des hémorragies foudroyantes dans les organes qu’il traverse.

Il va sans dire que l’on a perfectionné par divers mélanges le chargement de [nos obus à la mélinite. Mes lecteurs me pardonneront… ils me sauront gré, de ne leur donner sur ce sujet aucune indication. — C’est ainsi que l’on est arrivé avec nos petits obus de campagne à produire ces effets de destruction formidables qui ont maintes fois terrifié nos ennemis. Ainsi que je l’ai déjà expliqué récemment au cours de mes notes sur le 75, ces effets sur les organismes humains sont dus non pas seulement aux éclats d’obus projetés par l’explosion, mais aussi, sans qu’aucune blessure apparente soit produite, par les variations prodigieusement brusques de la pression de l’air causée au voisinage du point de chute et qui font éclater les vaisseaux des individus situés dans le voisinage et les tuent sans les blesser.


Avec l’invention de la poudre B, avec celle presque simultanée de la mélinite, la France s’est trouvée pendant plusieurs années dans un état de supériorité absolue au point de vue balistique. Rien ne prouve mieux la sincérité et la loyauté de ses intentions pacifiques, que le fait de n’avoir pas profité alors de cette incontestable supériorité.

Comme il arrive toujours tôt ou tard dans le domaine des inventions militaires, comme il est arrivé pour la poudre B, les nations étrangères n’ont pas tardé à fabriquer des explosifs brisans analogues à la mélinite et amorcés par des procédés analogues à ceux qu’avait

  1. Il faut naturellement éviter d’élever la température très au-dessus de celle qui correspond à ta fusion de la mélinite et qui est d’environ 125°. Vers 300° en effet la mélinite explose spontanément, et c’est parce que la décomposition des poudres B avariées avait amené les soutes aux munitions du Liberté à cette température que le cuirassé a sauté.