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Dans ces combats corps à corps, le fusil, la baïonnette, à cause de l’étroitesse des tranchées et des boyaux, ne peuvent être d’un bien grand secours. Il faudrait des armes plus courtes, la hache, le sabre d’abordage ou le briquet de nos aïeux. Les soldats allemands sont presque tous armés de coutelas. Les nôtres demandent des revolvers. On leur en donne dans la mesure du possible. On leur donne aussi des grenades, des pétards qu’ils portent accrochés à la ceinture.

Nous voici revenus à la guerre telle qu’on la faisait il y a des siècles. J’ai lu, le printemps dernier, l’ouvrage si intéressant de M. Gustave Schlumberger sur le siège de Constantinople. Les combats que se livrent Français et Allemands dans l’Argonne ne diffèrent pas sensiblement de ceux qui mettaient aux prises, sous les Longues Murailles, Grecs et Turcs !


29 janvier. — Juste une semaine après la violente attaque sur notre division de droite, une attaque plus violente encore se produit sur la division de gauche.

Ce matin, vers cinq heures, je suis réveillé par une très forte canonnade, une des plus fortes que j’aie entendues depuis notre arrivée.

Il fait très froid. Le thermomètre est descendu pendant la nuit jusqu’au-dessous de neuf degrés. Mais le soleil est étincelant et le ciel radieux. Nous partons à cheval vers Vienne-le-Château, par le chemin de gauche qui évite Moiremont. Entre Vienne-la-Ville et Vienne-le-Château, quelques obus de 77 éclatent tout près de nous, dans les prés.

Comme nous arrivons au village, le colonel commandant l’artillerie de la division nous dit : « Je donne l’ordre de faire tirer sur nos tranchées de première ligne que nous avons été obligés d’évacuer. » C’est assez grave. Que s’est-il donc passé ?

Comme une des brigades opérait sa relève, vers six heures trente, l’ennemi a dirigé sur la première ligne un bombardement très vif à coups de lance-bombes, tandis qu’il exécutait un violent barrage d’artillerie sur la zone arrière. Il faisait en même temps sauter à la mine tout un saillant de nos lignes. C’est toujours de cette manière, on le voit, qu’il prélude à ses attaques. Il lance tout de suite après, sur le front de trois bataillons, une attaque massive en lignes de sections par quatre, avec accompagnement de fifres et de tambours. Notre bataillon