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malgré mes investigations, à le savoir au juste. L’explication qu’on m’a donnée le plus souvent est qu’on se trouvait tout près d’un pavillon habité par un garde-chasse dont la fille portait ce nom-là. Je donne l’explication pour ce qu’elle vaut. Les premiers occupans dès le milieu de septembre, après la bataille de la Marne, ont baptisé, d’après leur fantaisie, la plupart de ces endroits où ils avaient à se battre. Et ces noms sont restés.

Tant il y a que le saillant de Marie-Thérèse est terriblement convoité par les Allemands. Ils peuvent l’attaquer de trois côtés à la fois, ce qui en rend la défense assez malaisée.

Aujourd’hui donc, vers dix heures, les Allemands, qui avaient poussé des têtes de sape le plus près possible de nos tranchées, émergent brusquement, chacun des assaillans, sans armes, tenant en mains deux grosses bombes qu’il lance sur nos soldats. Profitant du moment de désarroi qui s’ensuit, un bataillon attaque l’ouvrage de Marie-Thérèse sur trois côtés à la fois. Une de nos compagnies est commandée par un lieutenant qui, dans l’acharnement de la mêlée, devient subitement fou. Le cas s’est produit quelquefois au cours de cette guerre. Tous nos mitrailleurs sont tués. Nos soldats sont refoulés dans la tranchée voisine tenue par une compagnie d’un autre régiment. Ils y jettent, comme on pense, une certaine confusion. Le mouvement de repli se propage. Les Allemands parviennent en quelques points jusqu’à la deuxième ligne. On les contre-attaque immédiatement avec des troupes de relève qui se trouvaient tout près de là.

La nouvelle de cet incident nous arrive vers le milieu de la journée. Le général commandant le corps d’armée donne l’ordre d’engager s’il le faut toutes les réserves, mais de rétablir la situation à tout prix.

Une contre-attaque s’exécute à deux heures avec un bataillon de chasseurs qu’on pousse à gauche du saillant. Il arrive à nos tranchées de première ligne et les réoccupe en partie. Mais il est refoulé violemment par une nouvelle attaque allemande faite avec des troupes fraîches.

Une troisième contre-attaque a lieu le soir sous les ordres du commandant M… ; une autre dès le lendemain matin. Nous n’arrivons à reprendre après une lutte terrible qu’une partie de nos positions. Les unités, très enchevêtrées, se cramponnent au