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On lui parla ensuite de la bataille de la Marne. Rien de plus intéressant que son opinion là-dessus. Les Allemands, en présence de notre rapide retraite, nous croyaient entièrement défaits, battus, perdus. Notre arrêt subit, notre brusque offensive, quand s’engagea la grande bataille, furent pour eux comme un coup de massue. C’est chose des plus logiques et des plus naturelles, d’après lui, que la marche vers le Sud-Est de von Klück, négligeant pour quelques jours Paris, afin de se porter contre notre armée. Il s’agissait d’en finir avec nos troupes, de frapper contre elles quelque grand coup. Après quoi, l’on aurait Paris comme on voudrait. Mais il se trouva que cette armée, que l’on croyait en pleine déroute, se redressa à la minute voulue et battit les Allemands. Ces derniers, lorsqu’ils sont sincères, ne reviennent pas encore de leur stupeur, de leur effarement. Au fond, ils n’ont jamais rien compris et ne comprendront jamais rien à la psychologie, au tempérament des autres peuples, et surtout du peuple français…


Un lieutenant du génie a été tué aujourd’hui. Au cours de leur dernière attaque, les Allemands, parvenant un instant à prendre pied dans notre tranchée, avaient tout de suite creusé un boyau pour la réunir à leurs ouvrages. Ce matin de bonne heure, le lieutenant était parti pour placer ses travailleurs. Tout d’un coup, au débouché d’un boyau, il se trouve nez à nez avec un soldat allemand qui l’abat d’un coup de fusil.

Il y a en cet endroit, comme en bien des points de notre ligne, un labyrinthe inextricable de tranchées. Les plus expérimentés s’y perdent. Il arrive qu’à tout instant, Allemands et Français, séparés par quelques mètres seulement les uns des autres, se trouvent subitement face à face.


22 janvier. — Une très grosse attaque, qui nous prouve à quel point la terrible réputation de l’Argonne est justifiée.

C’est le type même de l’attaque, telle que la font ici les Allemands, avec leurs procédés habituels, leurs armes particulières, leur technique perfectionnée et leur savante organisation.

Au Nord de la fontaine de la Mitte, notre ligne offre un saillant très prononcé, qu’on appelle le saillant de Marie-Thérèse. Pourquoi l’appelle-t-on ainsi ? Je n’ai pas pu arriver,