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l’annihilation des concurrences ; tout cela servi par une diplomatie profondément convaincue de la nécessité de seconder les intérêts commerciaux et industriels allemands. Avec un pareil luxe de concours gouvernemental utile, nos voisins auraient pu se passer de facilités d’entrepôt et de zones franches, mais ils étaient bien trop avisés pour laisser de côté un seul moyen de prépondérance sur les marchés d’exportation, et l’Allemagne jouissait de six sortes d’entrepôt et des zones franches les plus libérales du monde, à l’aide desquelles Hambourg était devenu un point de production de vins !

Pendant ce temps, comment se traduisait notre protection à nous pour les marchandises ? S’est-elle jamais autrement exercée que par des élévations de droits qui réduisaient la consommation et, par suite, élevaient la proportion des frais généraux de nos fabricans ? Les répercussions les plus avantageuses de ce système, dans les compartimens de la métallurgie et de la filature, ont été le groupement des intéressés, mais toujours en vue du marché français et pour lui vendre leurs produits de plus en plus cher. Un seul mot résume ce système, le malthusianisme, et une seule conséquence, l’élévation des prix jusqu’au point où l’obstacle des droits de douane cesse de jouer. Cela seul suffisait à nous livrer économiquement à nos voisins, car, en pareil cas, pourquoi produire, avec des frais généraux élevés, ce que le fabricant allemand était toujours disposé à nous vendre à un taux relativement bas, surtout si l’on voulait prêter l’oreille à ses suggestions d’entente permettant de revendre à prix élevés ? Et ceci nous menait au dernier stade de l’emprise économique définitive, industrielle, commerciale et même territoriale, qui n’a été que dessinée, mais qui l’a été assez fermement pour nous éclairer.

Faut-il rappeler que, dans son discours à la séance de la Chambre des députés du 11 mars 1915, M. le garde des Sceaux a déclaré qu’il y avait à cette date environ 8 000 maisons austro-allemandes sous séquestre en France, et n’a-t-on pas constaté que les mises sous séquestre ont continué depuis, faisant tous les jours découvrir de nouveaux enchevêtremens d’intérêts où domine l’Allemagne ? Est-il nécessaire de citer toutes les acquisitions territoriales faites, les concessions obtenues, les détentions de titres ou les productions réservées allemandes, pour les bassins miniers de Meurthe-et-Moselle