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tombée. Aujourd’hui l’Allemagne veut employer des moyens plus modernes et plus perfectionnés avec le mortier diplomatique de 420 représenté par M. de Bülow, mais l’Italie n’est pas une forteresse belge. » Ainsi, avant même que le prince de Bülow fût de retour dans sa villa Malta, le malentendu surgissait, les susceptibilités nationales italiennes se trouvaient, — et à juste titre, — en éveil. Viciée dans l’œuf, la mission de l’envoyé extraordinaire était immanquablement vouée à l’échec.

L’autre incident déterminé par le discours de M. Salandra garde encore aujourd’hui un caractère mystérieux.

M. Salandra, le vendredi, avait exposé son programme. Le samedi, M. Giolitti prenait la parole au milieu de l’attention générale. Quelles déclarations allaient tomber de la bouche de l’homme le plus puissant de l’Italie, chef du gouvernement pendant de si longues années, toujours considéré comme maître de revenir au pouvoir à son heure ?… Or M. Giolitti ne venait pas dire seulement qu’il soutiendrait M. Salandra de son vote. Il apportait une révélation grave, à savoir qu’au mois d’août 1913, l’Autriche avait averti le gouvernement italien qu’elle préparait déjà une action offensive contre la Serbie. Et, d’accord avec M. Giolitti, le marquis de San Giuliano avait fait répondre à Vienne qu’il se refusait à voir un casus fœderis dans une guerre déclarée par l’Autriche à la Serbie, et que, par conséquent, l’Italie, laissant le gouvernement austro-hongrois libre d’agir à ses risques et périls, observerait la neutralité.

Cette déclaration de l’ancien président du Conseil apportait un renfort à la thèse de M. Salandra. En même temps, elle accablait l’Autriche-Hongrie dont la préméditation se trouvait établie formellement. Mais peut-être la presse de la Triple-Entente étendit-elle alors les paroles de M. Giolitti dans un sens un peu différent de celui que cet homme l’Etat avait entendu leur donner. En lisant le compte rendu de la séance de Montecitorio, quelques observateurs avaient déjà conçu un doute. N’avait-on pas commis une légère méprise sur la véritable pensée de M. Giolitti ? Des témoins avaient remarqué l’insistance toute particulière avec laquelle l’orateur avait ajouté que le refus opposé par l’Italie à l’invitation de l’Autriche n’avait nullement troublé les relations amicales entre les deux Puissances alliées. Dès lors, n’était-on pas autorisé à se demander si M. Giolitti n’avait pas voulu suggérer à la Chambre