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oppresseurs, substituez la lutte de classe aux guerres entre les nations, » c’est là le cri de ralliement inscrit en lettres flamboyantes sur le rouge drapeau de l’Internationale.

L’internationalisme forme donc le caractère essentiel de ce mouvement émancipateur du prolétariat. Dans le célèbre Manifeste communiste de 1847, devenu la grande Charte du monde ouvrier, Marx et Engels écrivaient : Le prolétaire n’a point de patrie, en ce sens qu’il doit considérer comme son ennemi l’État politique, officiel et guerrier, avec sa souveraineté, ses lois, son armée, sa légitimité, au service des ambitions d’une dynastie et d’une bourgeoisie insatiable, l’État issu de la conquête et visant à conquérir, à asservir les autres peuples. — Mais, sous un autre aspect, l’internationalisme n’est pas anti-national : les socialistes distinguent la nation, création artificielle de la politique et des traités, et la nationalité naturelle de langue, de race, de culture. Ils protestent contre l’oppression des nationalités ainsi conçues (par exemple la Pologne, la Finlande, l’Arménie). Quand ils disposeront du pouvoir, les prolétaires se constitueront en nations libres et autonomes. En même temps que l’antagonisme des classes disparaîtra celui des États ; avec l’exploitation de l’homme par l’homme, cessera l’exploitation d’un peuple par un autre peuple. Les Républiques socialistes, fédérées entre elles, apporteront au monde les bienfaits de la paix. Les socialistes admettent qu’aucune de ces républiques ne sera plus ardente, plus avide des biens de la terre, plus peuplée que sa voisine. Afin d’atteindre ce résultat, il s’agirait de régler la natalité, tâche encore plus ardue que de fixer la production.

Jusqu’à ce que les internationalistes aient réussi à pacifier la société future, dans la présente, le militarisme et la guerre opposent le pire obstacle à la délivrance des prolétaires. Le militarisme écrase le travailleur, le budget des armemens absorbe les sommes énormes qui pourraient être ajoutées à son bien-être, et sur lui repose le plus lourd fardeau des guerres qui font s’entre-tuer les prolétaires au profit des États capitalistes, en quête concurrente des débouchés et des territoires. Tenter de faire obstacle à la guerre est donc par excellence un acte anti-capitaliste et anti-gouvernemental. L’action concordante et concertée contre la guerre est l’œuvre essentielle de l’Internationale.

Dans l’adresse inaugurale de sa fondation rédigée par Karl