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dans quelques semaines, fêter avec éclat le cinquième centenaire d’Azincourt, si douloureux à nos armes. Cette date doit néanmoins nous encourager à la confiance dans les destinées supérieures de la France ; car c’est au lendemain d’Azincourt, dans la plus effroyable sans doute de toutes les crises traversées par notre pays, qu’en une seule génération d’hommes il a su reconquérir son indépendance et sa gloire et, en moins d’un siècle, redevenir comme après Bouvines l’élément capital de la grande politique européenne. D’Azincourt, 24 octobre 1415, à Marignan, 13 septembre 1515, révolution est complète. La France, libérée de l’étranger, puis des dynasties seigneuriales, enrichie par la paix, stimulée par la Renaissance, unie et forte entre les mains d’un roi jeune, ambitieux et fier, est prête à toutes les expansions. Elle a fait à l’étranger ses premières armes dans ces campagnes d’Italie, où Charles VIII t Louis XII se sont lancés par survivance de traditions féodales ; elle doit maintenant liquider au plus vite et au mieux ce passé chevaleresque pour être prête aux grandes luttes d’idées et de puissance dont le XVIe siècle sera fait. Son entrée sur cette scène nouvelle est bien cette « bataille de géans, » toute frémissante d’héroïsme et dont certaines suites auront une portée si lointaine. La campagne de Marignan affrontait dans la vallée du Pô les troupes du Pape, de l’Empereur, de la France, de l’Espagne, de Venise, et la seule armée vraiment nationale qu’il y eût alors, celle des Suisses. Les Suisses vaincus, pour la première fois depuis des siècles, l’Empereur décontenancé, l’Espagnol tenu à la réserve, Venise délivrée de ses craintes, le Pape réduit & traiter : telle fut la solution que les armes françaises donnèrent à la crise, tirant de cette affaire italienne des conséquences séculaires pour la France, pour la Papauté, pour l’Europe même. Et c’est à ce triple titre qu’il convient à l’heure présente de n’en pas laisser passer sans le saluer le quatrième centenaire, si riche de souvenirs et d’espoirs.


Quand, au printemps de l’année 1515, le successeur du vieux roi Louis XII, le brillant duc d’Angoulême, devenu François Ier, s’était mis à préparer avec soin l’expédition militaire qu’il se proposait de mener en Italie, un pareil projet ne pouvait passer à aucun titre pour une innovation du nouveau règne. Depuis plus de vingt ans, l’Italie, anarchique et