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du Parlement conjoints. En outre, le Parlement, — disons, si l’on veut, une large partie de l’assemblée, — se fit un jeu de multiplier les difficultés auxquelles le gouvernement avait à répondre et auxquelles il devait succomber. « Les fautes que commet l’Empire, c’est la République qui en profite : » ce terrible mot de Rochefort, beaucoup de députés l’auraient adopté pour devise. Et Paul Déroulède, qui n’était certainement pas bonapartiste, a écrit : « C’est l’ineffaçable opprobre de tous les partis d’opposition au régime impérial que d’avoir continué à se laisser dominer par leurs passions personnelles, a pareille heure. L’intérêt de la pairie avait disparu pour eux, par cela seul qu’ils le sentaient mêlé aux intérêts de l’Empereur. Il y eut chez la plupart une perte absolue du sens national : croule la France, pourvu que l’Empire tombe ! » Le comte de Chambord, lui, écrivait de l’exil le 1er septembre : « Il faut oublier tout dissentiment, mettre de côté toute arrière-pensée ; nous devons au salut de notre pays toute notre énergie. La vraie mère préférait abandonner son enfant plutôt que de le voir périr. J’éprouve ce même sentiment et je dis sans cesse : Mon Dieu, sauvez la France, dussé-je mourir sans la revoir ! » Ces augustes paroles, la situation les commandait. Hélas ! d’autres sentimens troublèrent d’autres âmes, et est-il dans notre histoire politique un jour plus affreux que celui où la chute de l’Empire consola de Sedan plusieurs doctrinaires ?…


Parmi les dépêches que notre ambassadeur à Berlin reçut de son gouvernement, il y en a une, — Emile Ollivier ne la cite pas, — qui me semble très significative. Elle porte la date du 10 juillet. Gramont, depuis quelque temps, pressait Benedetti de ne point laisser le roi de Prusse nous amuser par des faux-fuyans. Benedetti répondait qu’il avait conscience de sa tâche et qu’il agirait avec fermeté, oui, mais avec calme : « Vous m’approuverez, j’espère, de ne rien brusquer… » Il savait que le roi Guillaume s’impatientait ; il recommandait la modération. Gramont, néanmoins, montrait sa hâte d’en finir : « Employez tous vos efforts pour obtenir une réponse décisive. Nous ne pouvons attendre… » Pourquoi ? « sous peine d’être devancés par la Prusse dans nos préparatifs. » Bonne raison ? Peut-être ; et pourtant la mobilisation ne se fit pas avec tant de rapidité qu’on dût, afin de gagner quelques heures, perdre tout