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déclaré la guerre, c’est la faute qu’il a commise en harcelant de ses réclamations diplomatiques le roi Guillaume. Quoi ! dit-on, Léopold de Hohenzollern renonçait à la couronne d’Espagne : le prince Antoine en donnait l’assurance ; Olozaga montrait à Napoléon III, à Emile Ollivier, à Gramont, la dépêche indéniable. Il fallait s’en tenir là. Somme toute, l’ambition prussienne avait cédé ; les orgueilleux Hohenzollern, bon gré mal gré, mettaient les pouces : et il fallait s’en tenir à cette précieuse victoire de notre diplomatie. C’est ce que n’a pas fait le gouvernement. Voilà le grief : il est judicieux. Mais, la précieuse victoire de notre diplomatie, comment le Parlement l’a-t-il accueillie ? Avec joie ? Non. L’opposition ne désirait pas une victoire diplomatique (ou autre), pour le gouvernement de l’Empire libéral : qui en doute ferme les yeux à l’évidence.,Bismarck voulait la guerre : c’est lui, la cause de la guerre. Ses traquenards, le ministère libéral ne les a point esquivés : le Parlement non plus. Le gouvernement fut mal inspiré (l’événement le prouve assez), lorsqu’il ne se contenta point des assurances que lui donnait le prince Antoine et réclama les assurances du roi Guillaume. Mais l’inspiration mauvaise ne lui vint-elle pas du Parlement ? du Parlement qui, sans relâche, l’accusa de faiblesse ? Bien avant le désistement du Hohenzollern, et tandis que le gouvernement affirmait sa volonté de restreindre à la question de la couronne espagnole le démêlé de notre pays et de la Prusse, l’opposition flétrissait une politique si grêle et insistait pour qu’on ne différât point de réparer le désastre de Sadowa, d’exiger l’obéissance de la Prusse au traité de Prague et la démolition des forteresses qui menaçaient notre frontière. Parmi les partisans de cette politique, non pas grêle, citons Gambetta. Le Parlement ne s’est pas contenté plus volontiers que les ministres de la réponse fournie par le prince Antoine ; et la demande de garanties, source de nos malheurs, le Parlement ne l’a pas seulement approuvée : il l’a sollicitée. Il eût écrasé de son mépris et il eût chassé un ministère qui se fût déclaré satisfait sans avoir obtenu du roi Guillaume un engagement sérieux. Il ne tolérait pas que la France parût timide et qu’elle ne sût pas revendiquer avec aplomb ses droits, notifier avec résolution ses caprices. Eh bien ! le patriotisme l’exaltait ? Sans doute ; mais alors, les fautes des ministres sont les fautes des ministres et