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Ollivier, qui est de l’opposition, doit tout au Parlement : la célébrité, la joie de promulguer ses croyances. Sous l’Empire libéral, ce fut la mêlée, où la voix la plus éclatante domine toutes les opinions. L’auteur de l’Empire libéral traite le Parlement avec gratitude. Or, le Parlement, sous l’Empire, a-t-il été digne de bien des éloges ? Il a parlé ; il a énormément parlé : son langage n’était pas médiocre. Les honorables traditions de l’éloquence florissaient. Les orateurs, des lettrés pour la plupart, assez bien nourris de latinité, avaient en outre des passions politiques suffisantes pour animer leur saine rhétorique. Leurs thèmes, ce furent tous les problèmes du jour, sans compter les idées éternelles. Les occasions de se montrer ne manquèrent pas, avec les élections, les réformes, et enfin la juste quantité de désordre qu’il faut pour que l’art oratoire ne languisse guère. En fait de liberté, le nécessaire ; et il n’est pas établi que la tribune ait besoin de beaucoup de liberté. Assez de contrainte aussi pour qu’on dût avoir du talent, plutôt que de s’abandonner à une exubérance inattentive. Point de grossièreté, point de bassesse, ni, à proprement parler, de vilenie. De la folie, certainement, à certains jours. Et les plus fous enveloppaient de généreux principes leur impertinence. Non, le Parlement, sous l’Empire, n’est pas méprisable. Emile Ollivier s’y plaisait à bon droit.

Cependant si, comme tout l’Empire libéral nous y invite, nous cherchons les responsabilités de la guerre, n’examinons pas seulement les actes d’Emile Ollivier, les actes de Gramont, les actes de Benedetti. Le Parlement a ses responsabilités, et lourdes.

Lorsque l’Empereur, avec le maréchal Niel, s’applique à réorganiser et à fortifier l’armée, le Parlement l’encourage-t-il dans cette œuvre de salut ? On a prêté à l’un des membres de l’opposition cette parole abominable : « Gardons-nous de fournir à l’Empereur les moyens d’une guerre heureuse ! » Admettons (souhaitons même) que cette abominable parole n’ait pas été prononcée : elle résume, sous la forme la plus cynique, un sentiment auquel ne furent pas étrangers tous les ennemis du régime ; ne reprochait-on pas ouvertement à l’Empereur de « militariser la jeunesse française, » quand on reprochait aussi à l’Empire d’humilier la France devant l’Europe ?… Ensuite, le principal grief qu’on ait contre le gouvernement qui a