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inexactitudes secondaires ; » et il en donne l’échantillon de telle bévue momentanée que lui-même signale dans ses errata. Ce n’est pas tout ; et admettons que, dans les dix-sept volumes de l’Empire libéral, on relève des inexactitudes plus graves, auxquelles ne suffise point l’erratum, mais qui appellent la discussion : qu’importe ? Voilà, je ne dis pas, le portrait de l’Empire, mais l’un des portraits de l’Empire, et magnifique. Ressemblant ? Certes, oui ; même si, consultant leur mémoire et leurs sympathies, les uns hochent la tête et insinuent que le modèle y est flatté, les autres qu’il y est calomnié. Quand nous avons sous les yeux un portrait ancien, de Holbein, je suppose, ou de La Tour, celui-ci une preste physionomie, celui-là un visage qui a duré, nous sommes sûrs que tel a été une après-midi, le sourire de Camargo et, pendant de longues années, l’air de songe timide où Anne de Clèves eut quelque beauté. Qu’en savons-nous ? L’une et l’autre, la belle fille et la princesse infortunée, sur les deux images, sont vivantes. Nous en avons la vision, l’assurance qui ne trompe pas. Eh bien ! le portrait de l’Empire, par Emile Ollivier, est la vie même, la vie remuante et agissante, astreinte à des lois et à des fatalités qu’elle ignore, d’où elle semble s’échapper, la vie ardente et imprudente. Le peintre n’a épargné ni les vives couleurs, ni les lignes hardies. Il a reçu l’enseignement des maîtres classiques et leur discipline se voit jusque dans ses audaces ; puis il a été l’ami des romantiques, et d’un Michelet. D’ailleurs, il avait le don, l’originalité naïve, la spontanéité que l’habileté ne remplace pas ; il avait sa manière, qui est une grande manière, et sa désinvolture, qui impose. Il peint large, et cependant avec précision. Ses traits sont, du premier coup, justes, ou expressifs. Ses touches ont la teinte et la lumière.

Le personnage principal de l’Empire, est-ce l’Empereur ? La figure de Napoléon III apparaît, dans l’Empire libéral, sous un jour neuf et qui l’éclaire favorablement. Cette figure énigmatique, a-t-on pris coutume de dire ; et l’on en fait, ou à peu près, un prince Hamlet qui a vieilli. C’était un homme intelligent et bon qui, sans génie, avait à porter le nom même du génie ; et puis, ce fut un homme qui, avec une étonnante sensibilité de l’esprit, s’émut de toutes les chimères de son temps, lorsque le rôle qu’il assuma le chargeait de résister à toutes les chimères. Nulle idée généreuse et qui ne l’ait touché. Or,