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monarchie française, à laquelle la France a dû sa suprématie et sa sûreté. Foin du principe des nationalités qui sacrifie à l’orgueil et à la voracité de ses rivaux le plus beau royaume sous le ciel !… Et cependant, nous sommes revenus au principe des nationalités : c’est en vertu de ce principe qu’aujourd’hui l’Europe se soulève ; et c’est pour la défense de ce principe que les nations lancent leurs armées ; c’est en fonction de ce principe que la carte d’Europe se refait. Cette fois, aux dépens de l’Allemagne, châtiée d’offenser, quoi ? le principe des nationalités. Thiers avait raison, oui ; d’autre part, le principe des nationalités est valable. En définitive, nous n’avons que lui, pour associer à notre cause les peuples que dégoûte et inquiète la monstrueuse avidité de l’Allemagne. Et le principe des nationalités organise l’Europe souverainement, dès le jour qu’il exclut de ses bienfaits la « race de proie » qui l’a transgressé. Mais, il y a cinquante ans, savait-on, — même si Thiers le devinait, — savait-on que, sous ses dehors honorables, sous son déguisement de philosophie et de littérature, l’Allemagne fût toujours l’abominable Germanie et méritât cette exclusion ? Somme toute, elle ne s’était pas encore mise au ban de l’Europe civilisée ; aujourd’hui c’est le principe même des nationalités qui la condamne.

Enfin, si nous étudions la guerre franco-allemande, et non plus ses préambules, nous acquérons la certitude, et torturante, des bêtises (à quoi bon chercher un autre mot ? ) qui l’ont fait tourner au désastre. Même après les mauvaises journées d’août, même après les défaites et les victoires abandonnées, tout n’était pas perdu, si, au lieu d’aller au secours perdu de Bazaîne, les armées de Châlons se repliaient sur Paris et, au mois de septembre 1870, tentaient la manœuvre qui glorifie le mois de septembre 1914. Tel fut l’avis des plus sages et, parmi eux, l’avis du prince Napoléon. L’avis contraire l’emporta et nous mena jusqu’à Sedan. Le ministère libéral n’existait plus. Emile Ollivier n’eut point à formuler de conseil. Mais tout son récit des opérations militaires tend à cette conclusion. Et il l’avait si bien adoptée qu’on peut dire qu’il a prédit notre victoire de la Marne. Le 17 novembre 1883, il écrivait au directeur du Figaro : « Non, mon cher monsieur Magnard, à aucun moment de ma vie je n’ai dit : Finis Franciæ… Voilà dix ans que j’étudie les détails techniques de la guerre de 1870. Eh