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les jeunes recrues dans cette communion émouvante… » Et le défilé se poursuit. Les torses se redressent, les jarrets se tendent, les yeux mouillés s’allument d’une flamme nouvelle. Électrisée, transportée, recréée, comme si c’était vers sa première bataille, la brigade part… Voilà le secret de notre force.

Les Allemands l’ignoreront toujours. Chaque fois que nous ploierons, ils se croiront vainqueurs ; chaque fois que nous rebondirons, ils nous jugeront renforcés. Le 25, quand, attaquant Nieuport par le Groote Nieuland Polder, ils subiront un sanglant échec, ils croiront nos forces doublées sur ce point et ne risqueront plus guère leur infanterie contre le mince rideau qui protège la ville. Le 26, quand, ayant amené leur artillerie lourde à Stuyvekenskerke ils auront pris d’enfilade la ligne provisoire du Beverdyck, nous voyant reculer lentement vers le chemin de fer, ils pousseront des cris de victoire ; quand, le 27, nous résisterons invinciblement sur nos nouvelles positions, ils arrêteront pour vingt-quatre heures leurs attaques, croyant devoir, pour nous égaler en force, amener sur nous toute leur armée.

Le remblai du chemin de fer a inspiré tout de suite aux Belges une inébranlable confiance. Il constitue une épaisse tranchée toute faite, ou il a suffi de percer des abris. La ligne, venant de Lombaertzyde, le rejoint au Sud de Nieuport, le suit pendant une dizaine de kilomètres, jusqu’à la ferme Roode Poort, devant Oostkerke pour regagner l’Yser. Les troupes s’y appuient dans l’ordre suivant, du Nord au Midi : 2e, 1re, 4e divisions belges, 83e brigade française, 5e division belge, 9e bataillon de chasseurs français. Au matin du 27, les Allemands tâchent de deviner notre densité et nos résolutions. Ils poussent une colonne sur le passage à niveau de la gare de Boitshoucke : le 4e de ligne la rejette. Ils attaquent la station de Pervyse où les grenadiers les reçoivent avec vigueur ; ils envoient des reconnaissances aux abords d’Oudstuyvekenskerke et vers les tranchées de Dixmude : elles sont chassées par notre feu. A dix heures du soir, une attaque générale qu’ils esquissent d’un bout à l’autre de notre front vient s’y briser. A Lombaertzyde, la flotte anglo-française, encore une fois, prend sa part brillante du combat. On pressent que sur la nouvelle ligne que nous avons choisie, va se disputer bientôt, en une journée décisive, non plus fragmentaire, mais livrée d’un seul tenant, la dernière partie de la grande