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apprennent à la fois que Stuyvekenskerke vient d’être abandonné par les nôtres, que la 1re division d’armée a marqué un léger recul au Sud de Schoorbakke, enfin, — chose plus grave, danger plus proche, — que l’ennemi force le passage du fleuve à la borne 14 en face d’Oudstuyvekenskerke. Ce qu’ils voient ne tarde pas à confirmer la fatale nouvelle. De la gare de Caeskerke où se tient l’amiral, du moulin où le colonel a son poste de combat, ils assistent au spectacle de soldats affolés qui, jetant leurs sacs et leurs armes, refluent en grand nombre vers Oostkerke et Rousdamme. Les gendarmes, lancés au galop à leur rencontre, ne parviennent ni à les ramener au feu, ni à les arrêter. La panique gagne bientôt, à la borne 16, les fusiliers marins, qui protègent immédiatement Dixmude, dont les tranchées sont battues d’enfilade et qui, lâchant pied, fuient aussi en désordre vers le chemin de fer. Des fermes van de Woude et Den Toren débouchent les fantassins allemands en rangs pressés. Pour rendre plus difficile le ralliement des hommes désemparés, l’ennemi bombarde avec acharnement la plaine qui s’étend du clocher carré d’Oostkerke, qui brûle comme une grosse torche, au clocher pointu de Caeskerke, encore aminci par les flammes. Quoique, pour y retenir le plus de monde possible, le duc de Wurtemberg fasse mine de menacer Dixmude qui s’émiette sous l’action de l’artillerie lourde, l’amiral, se démunissant hardiment de toutes ses réserves, envoie encore au Nord-Ouest, vers Oudstuyvekenskcrke, le 1er régiment de ligne, un détachement de fusiliers marins, deux bataillons du 2e chasseurs sous les ordres du colonel Sults, enfin le 1er bataillon du 11e de ligne que conduit l’intrépide commandant Decamps. L’arrivée au combat de ces réserves aguerries coïncide avec le début de la grande contre-attaque que tentent à l’Est de la boucle de Tervaete tous les contingens un peu mêlés dont le commandement belge dispose, et avec l’apparition, qui semble miraculeuse, au milieu d’eux, d’une éclatante brigade française, la 83e, qui renonce à l’offensive sur Ostende et se porte au centre, — il en est temps ! Vers ces soldats frais et alertes, vers ces camarades, vers ces amis les mains se tendent. Point de cris, — on est trop las pour acclamer, — mais des regards émus et fraternels, qui nouent entre ces hommes qui vont lutter et mourir ensemble, une affection immortelle.

Deux bataillons du 9e de ligne, deux du 1er chasseurs