Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/304

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pression allemande. Dixmude, poste avancé de la défense, presqu’île jetée audacieusement au-delà du rempart vers la marée montante, frémit et craque comme un navire au branle-bas. On ne reconnaîtrait plus la ville morte, la ville blanche qui sentait bon l’encens et les roses. Les habitans sont presque tous partis. Ce béguinage est une place de guerre.

Celui qui en commande l’enceinte est un héros. Les régimens qui l’occupent sont parmi les plus beaux du monde. En envoyant les 11e et 12e de ligne renforcer les fusiliers marins, le Roi savait qu’il donnait à ceux-ci des compagnons dignes d’eux. Ils font partie de la « Division de fer, » — la 3e, — on les appelle les Soldats de Liège. Ils ont subi le premier choc ils ont déjà connu la victoire. Partout où le péril a surgi, on les a envoyés au feu. Le chef de leur brigade, le colonel Meiser, les connaît. Il peut dire à l’amiral Ronarch, sous les ordres duquel on le place, ce que valent ses régimens. Aussi l’amiral ne doute-t-il pas d’eux : « A vous la rive Est, à moi la rive Ouest, » prescrit-il aux Belges. Et, rangeant ses fusiliers dans les tranchées de la digue de l’Yser, il nous cède la tête de pont ; le colonel Meiser confie le commandement de celle-ci au colonel Jacques, du 12e de ligne, un vieux de la vieille, qui s’est battu pendant des années au Congo, et qu’illustra naguère la glorieuse campagne arabe.

Le 20 au matin, la défense de Dixmude est donc organisée comme suit : le 12e de ligne, six compagnies du 11e, cinq sections de mitrailleuses de fusiliers marins. Elles sont placées au cimetière, à la route d’Eessen, au canal d’Handzaeme, à la route de Beerst. Sur la rive gauche se tiennent les autres compagnies françaises, prêtes à accourir au premier appel, six compagnies du 11e et un régiment d’artillerie, — 12 batteries de 75, — que commande un dur-à-cuire aussi, le colonel de Vleeschouwer.

Dixmude est mal fortifiée. Les tranchées qui l’entourent ont été faites à la hâte, restent imparfaites, sans pare-dos, sans défenses accessoires. Les grand’routes qui rayonnent vers la ville ne sont pas barrées. A certains endroits, on n’a guère eu le temps que d’ébaucher de petites levées de terre : à Kaiserhoek, — le coin de l’Empereur, — et à Blocd Putteken, — le puits de sang, — lieux aux noms rouges et prophétiques.

On attend, sous le bombardement, l’assaut que le bombardement prépare. A dix heures, le 1er bataillon du 12e, disposé