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une longue acclamation fraternelle. Et ce fut une belle flambée chaude dans cette nuit pluvieuse d’automne.


IV

Après quatre jours de combat, l’Yser est devenu la ligne de bataille. Nous l’avons repassé partout, sauf à Dixmude, à Nieuport, à Schoorbakke, où nous possédons de solides têtes de pont. Nos soldats ne pensent plus aux renforts qui doivent arriver. Exaltés par la lutte, ils ne songent plus qu’à se battre. Ils savent que le plus grand poids de la bataille du Nord va peser sur eux — ils en sont fiers… Cependant, comme de la terre qui se meut, les masses grises à l’horizon, sous la protection du canon, avancent, avancent.

Tandis que le XXIIe corps et le XXIIIe corps du duc de Wurtemberg se déploient le long du fleuve, les Allemands vont tâcher de forcer les points extrêmes de notre demi-cercle. Ils voudraient, dès cette journée du 20, emporter Nieuport et Dixmude, converger sur Furnes par les deux routes, écraser notre petite armée dans des tenailles gigantesques. Pendant qu’ils bombardent sans répit notre centre, ils attaquent Lombaertzyde dès l’aube ; ils attaqueront Dixmude à midi.

Lombaerlzyde, coin des Lombards, ancienne ville de marchands et de banquiers, bourg assoupi au bord des sables. Une grosse église où viennent s’agenouiller en été des pèlerinages dévots, des rues proprettes, des maisons cossues. Des dunes qui montent des rives du bas Yser bordé de peupliers obliques, et que parsèment des bosquets d’aunelles. Quelques villas isolées dans les pannes. Une grande plage coupée de lignes d’eaux. A droite, des prairies. Si des cavaliers caracolant remplaçaient ici les lignes grises des fantassins, si l’on se cachait moins dans des trous, le combat devant Nieuport évoquerait exactement la bataille des Dunes qui se déroula à peu de kilomètres en arrière. Comme alors, le choc, perpendiculaire à la grève, commence au bord de l’eau, s’intensifie sur les coteaux croulans, se prolonge dans la plaine flamande jusqu’à l’horizon. Comme alors, les crêtes recèlent des surprises ; comme alors, des vaisseaux anglais rangés au loin, parallèlement au rivage, bombardent l’ennemi de tous leurs canons. Ou bien cette bataille