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pu croire que la paix était faite. Mais si on l’a cru, on s’est trompé.

L’agitation a continué sous une forme nouvelle, celle qui est le plus conforme aux traditions et aux habitudes parlementaires : un ministre a été mis en cause et menacé d’être renversé. Il y a longtemps que les partis les plus avancés de la Chambre en veulent à M. Millerand et ont juré de se débarrasser de lui. Sous prétexte que tout n’a pas été pour le mieux au Ministère de la Guerre ; qu’il y a eu des erreurs, des négligences commises ; que, dans l’improvisation formidable à laquelle il a fallu se livrer, certains détails d’exécution ont été critiquables, M. Millerand a été mis en cause avec une véhémence ou, pour mieux dire, une violence dont on nous avait depuis un an épargné la manifestation dans un débat public. On discutait les crédits relatifs à la création de deux sous-secrétariats d’État. A propos de crédits, on peut parler de tout : le débat a porté tout de suite sur le service de santé, un de ceux, il faut bien l’avouer, dont le fonctionnement a le plus laissé à désirer au commencement de la guerre. Aussitôt les colères se sont allumées, les passions se sont déchaînées et M. le président Deschanel s’est vu forcé de lever une séance qui ne pouvait plus continuer ainsi. La suite du débat a été remise à huitaine, dans l’espoir que la température surchauffée de la Chambre se refroidirait un peu d’ici là. Cet espoir n’a pas été complètement déçu. Les colères et les passions sont restées les mêmes, mais elles se sont mieux contenues. Toutefois, si la nouvelle séance a pu atteindre son terme, il n’en a pas été de même du débat qui est une fois de plus resté en suspens. Qu’était-il arrivé ? M. Millerand avait parlé. Il l’a fait simplement, fortement, solidement, uniquement soucieux de défendre son administration plus que lui-même et s’adressant peut être plus au pays qu’à la Chambre dont il s’est médiocrement appliqué à ménager les susceptibilités spéciales. A mesure qu’il parlait, un air d’orage s’alourdissait sur l’assemblée. Un moment cependant, l’union s’est retrouvée parfaite : M. Millerand avait prononcé le nom du général Joffre ; la Chambre s’est levée presque entière et a éclaté en applaudissemens enthousiastes. Mais ce n’a été qu’un éclair, et lorsque M. Millerand est descendu de la tribune, à n’avait pas cause gagnée.

C’est alors que MM. Franklin-Bouillon et Alexandre Varenne ont annoncé qu’a la prochaine séance, — qu’on a encore renvoyée à huitaine, — ils demanderaient à M. le président du Conseil comment il concevait la possibilité de donner à la Chambre entière le moyen de connaître la vérité sur toutes les questions relatives à la défense