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qui se pose encore dans presque toutes les régions de l’Afrique tropicale, mais qui, au Soudan égyptien, est peut-être plus difficile à résoudre qu’ailleurs. La rareté de la main-d’œuvre et ses mauvaises dispositions ont haussé les salaires à un tel taux qu’en travaillant quinze jours l’ouvrier urbain gagne assez pour vivre, lui et sa famille, pendant un mois, alors que, dans les districts agricoles, a une faible distance des centres urbains, les propriétaires sont incapables, même au prix de salaires prohibitifs, d’obtenir la main-d’œuvre nécessaire à la culture de leurs terres.

Une ordonnance de 1905 du gouverneur général punit le vagabondage et vise entre autres « quiconque néglige ou refuse sans raison de subvenir à ses besoins ou à ceux de sa famille. » L’année suivante, un Bureau de travail {Labour bureau) fut organisé à Khartoum « en vue de dresser des statistiques, d’ouvrir des débouchés à la main-d’œuvre, de prévenir la hausse exagérée des salaires causée par la concurrence que se font les divers départemens de l’administration publique, les entrepreneurs et les propriétaires, en un mot d’organiser l’offre et la demande du travail. » Une ordonnance de 1908 règle les conditions de l’apprentissage, en fixe la durée a cinq ans, édicté des peines en cas d’infraction aux clauses et conditions légales de ce contrat. Enfin, les écoles techniques et les ateliers de l’Etat forment plusieurs centaines de jeunes gens, à Khartoum, à Omdurman et à Kassala, aux métiers de forgeron, d’ajusteur, de tailleur de pierres, de charpentier, de constructeur de bateaux. Ces palliatifs ne sauraient remédier sérieusement au mal qui menace même de s’aggraver, car, par l’effet des travaux publics projetés, la demande de travail semble devoir s’élever bien avant qu’aient eu le temps de grandir les enfans qui remplissent toutes les maisons. C’est là un gros point noir.

L’institution, en juin 1906, d’un Comité économique, présidé parole secrétaire financier et composé des chefs de services qu’intéresse le progrès économique du pays s’est révélée une initiative heureuse qui devrait être imitée dans toutes les colonies. Le secrétaire de ce comité joue le rôle de conseiller économique et statisticien du gouvernement ; ses rapports mensuels et annuels sont des documens précieux tant par la justesse et l’exactitude des observations de détail que par l’élévation et l’ampleur des vues d’ensemble.