Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’espèce, chaque pièce abattue, interdit la chasse, totalement ou partiellement, dans de vastes régions. À ce point de vue, le Soudan est divisé en trois zones : « le sanctuaire, » dans les limites duquel nul n’a le droit de touchera un animal sauvage, la « réserve des officiers, » et le reste du pays où le commun des mortels est autorisé à chasser à la condition d’observer les règlemens.

Très clairsemées et semi-nomades, les populations soudanaises, où l’élément urbain occupe une place proportionnellement très grande, offrent, par l’effet des invasions et des immigrations, une juxtaposition et un mélange presque inextricable de races, de langues, de mœurs, et de croyances. Elle peut être divisée grosso modo en quatre groupes : les nègres qui différent prodigieusement les uns des autres par la taille, la couleur, l’aspect physique, le genre de vie, la religion ; les Nubiens musulmans qui sont connus sous le nom de Barabra, entre la première et la quatrième cataracte ; les Begas, d’un beau type physique, et enfin les Arabes[1].

Quel que soit leur type, ces hommes sont en règle générale remarquablement robustes, intelligens, industrieux, aptes à s’assimiler les méthodes occidentales. Chez presque tous, les besoins, et par conséquent l’activité, sont à cet étiage au-dessous duquel nul ne saurait descendre, même dans la zone tropicale. Ils vivent pour la plupart presque sans vêtemens ; une sorte de millet, appelé doura et, dans certaines régions, les fruits et le laitage forment, à peu de choses près, leur alimentation. Aussi, depuis que l’esclavage a cessé d’être maintenu, ne fournissent-ils qu’un minimum de travail, à des conditions fort onéreuses pour les employeurs. Autant que cette absence de besoins, le défaut de sens commun et d’esprit critique est un obstacle à leur ascension à la civilisation..« Comment est-il possible, écrit M. Currie, directeur du Département de l’Education, que des hommes doués d’une intelligence alerte et claire soient capables de croire que le premier imposteur venu peut faire jaillir l’eau

  1. On trouvera l’énumération et la description, illustrée au moyen d’une carte en couleurs, des principaux peuples du Soudan, dans l’ouvrage de II. Frobenius, Die Heiden-Neger des Aegyptischen Sudan. Cet auteur distingue les Soudanais en musulmans et païens ; il divise les premiers en quatre et les seconds en six classes. Cf. A. II. Keane, Ethnology of the Egyptian Soudan, Journal of the anthropological Inslitute ; — A. Wallis Budge, The Egyptian Sudan, vol. II, p. 412-447 ; — F. R. Wingate, Mahdism and the Egyptian Sudan, p. 8-12 ; — L. S. Symes, Notes on the Anglo Egyptian Sudan ; — Artin Pacha, England in the Sudan.