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s’était dérobé, Schnæbelé avait repassé sur territoire français. De là, il avait montré le poteau frontière sans essayer de s’enfuir. C’est alors que les agens allemands, après s’être consultés, avaient franchi la frontière et l’avaient appréhendé, bien qu’il se débattit au point que son chapeau était tombé. » Ces faits étaient attestés par témoins. A cette version, le Cabinet de Berlin en opposait une autre, de laquelle il résultait que Schnæbelé était sur le territoire allemand lorsque les agens chargés de l’arrêter s’étaient jetés sur lui et l’avaient enlevé.

C’est sur ce point qu’il fallait d’abord faire la lumière, et des deux côtés on s’y disposait, lorsqu’un secours inattendu arriva au gouvernement de la République. A Pagny-sur-Moselle, une recherche opérée au domicile de Schnæbelé et l’examen de ses papiers avaient fait découvrir deux lettres qui constituaient la preuve qu’il était la victime d’un guet-apens. Elles étaient signées du commissaire de police allemand Gautch, résidant à Ars-sur-Moselle, spécialement chargé de régler au nom de la police alsacienne, comme l’était Schnæbelé au nom de la France, les incidens de frontière, fort nombreux à cette époque.

La première, en date du 13 avril, était ainsi conçue :


« Mon cher collègue, je désirerais vous causer (sic) et vous transmettre des renseignemens de la plus haute importance que je ne puis confier au papier. Je voudrais éviter d’être vu par nos employés et par les employés français. Je suis du reste très connu dans les environs. Pouvez-vous me donner un rendez-vous ? Veuillez ne causer à personne.

« Dans l’attente de vous lire, je suis votre tout dévoué. — GAUTCH.

« P.-S. — N’envoyez pas la réponse par le Schaffner ; cela serait imprudent. Ecrivez-moi par la poste et recommandez la lettre. »


Vingt-quatre heures plus tard, Schnæbelé en avait reçu une seconde :


« Mon cher collègue, je suis empêché de me rendre demain à Pont-à-Mousson. Comme j’aurais à vous causer au sujet du poteau qui a été détruit, pourriez-vous venir un de ces jours à l’endroit où le poteau a été détruit. J’espère qu’avec les