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connaissent guère que la façade extérieure sur le quai d’Orsay. Ici, la façade principale de la cour intérieure, dissimulée dans l’étroitesse de la rue de Lille, prend dans le recul du terrain, à l’extrémité de la pente montante d’un classique parterre français, sa véritable valeur. Honneur et Patrie, ces deux mots qui brillent sur les drapeaux, s’inscrivent dans la cour intérieure, au fronton des deux ailes, tandis qu’au centre, dans la perspective de l’Arc de Triomphe, le nom « France » se détache au-dessous du drapeau dans l’encadrement d’une voûte symbolique où planent déjà des victoires. Au centre de la cour médite le Penseur de Rodin. Le perron franchi, voici la Gallia d’Alfred Boucher. Celle qui ne veut, pour l’annoncer au monde, d’autre héraut que l’effort nu de sa pensée, garde assise, sous la cuirasse, le casque et le cimier, l’épée calme sur les genoux fermes, l’attitude grave et résolue d’une Force confiante dans son droit : force à laquelle des fleurs amies, pieux hommage d’Américaines, promettent doucement la victoire. En quatre tapisseries, passe, aux murailles, avec la vérité de l’Histoire et la poésie de la légende, la quadruple apparition d’une simple fille de France : « Fille au grand cœur, il le faut, » disent les voix à Jeanne qui, la quenouille aux mains, près des roses trémières, s’épouvante des horreurs de la guerre. « Il y a des ennemis sur mon chemin ; mais j’ai Dieu, mon Seigneur, qui saura m’ouvrir une voie pour aller jusqu’au Dauphin, car je suis née pour le sauver. » Sainte Catherine, victorieuse du dragon, montre le chemin à l’enfant dont le visage est déjà résolu, ferme, presque dur. Et maintenant la voilà sous les murs d’Orléans. Des hommes d’armes l’entourent. À cheval, face à la ville, légèrement renversée dans le geste d’épée qui la désigne, Jeanne s’avance sans laisser voir son visage, car elle ne regarde même pas si sa troupe la suit : « S’ils étaient pendus aux nues, nous les aurions… Je suis sûre de la victoire, » dit-elle avec une confiance qui devient en ce moment, par l’allusion, un doux présage auquel, près d’elle, saint Georges acquiesce. Pas de victoire sans sacrifice, et Jeanne offre le sien : plus amère que dans l’active mêlée, la glorieuse fin des combats, l’ingrate mort des injustices à forme légale attend la courageuse jeune fille, qui, tenant, accablée, son frôle visage dans ses mains, n’ose lever sur l’hostilité des juges la muette accusation d’un regard d’innocence. Simplicité dans l’héroïsme,