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produites au sujet de l’attitude de la Suède, il les a dissipées ; il a qualifié comme il convenait la piraterie allemande et a fait allusion à l’échange de notes entre l’Allemagne et l’Amérique ; il a parlé de l’expédition des Dardanelles, de l’héroïsme qu’y déploient les Alliés et, par contraste, des odieuses persécutions que les Turcs affolés multiplient contre les Arméniens et les Grecs ; il a dit un mot rassurant sur la politique de la Serbie et du Monténégro, qui a pu éveiller l’attention de quelques Puissances ; enfin, parlant des neutres : « Je ne doute pas, a-t-il assuré, que, dans quelques pays encore neutres, les gouvernemens se trouveront pleinement d’accord avec les aspirations de leurs peuples et qu’ils se décideront à entrer dans la voie que leur indiquent leurs intérêts vitaux et tout leur passé. » À cette occasion, M. Sazonof a dit un mot de la pression exercée sur la Roumanie par des agens austro-allemands. « Cependant, a-t-il ajouté, malgré tous leurs efforts, le gouvernement roumain résiste à la tentation, et nous continuons à maintenir avec lui des relations d’amitié dont l’affermissement et le développement font l’objet de nos soins réciproques. » Cette phrase est peut-être la plus intéressante du discours de M. Sazonof. Avant lui, M. Asquith, dans un discours récent, avait parlé aussi des neutres et de la probabilité que quelques-uns d’entre eux prendraient finalement parti. La concordance de ces prévisions mérite d’être signalée.

C’est surtout sur la Roumanie que l’attention se porte aujourd’hui. Que des fautes aient été commises, soit par la Roumanie elle-même, soit par les Puissances alliées dans les rapports qu’elles ont eus avec elle, c’est malheureusement probable. On a négocié longuement, comme si rien ne pressait, alors qu’il aurait fallu agir et le faire vite. Heureusement, il n’est pas toujours vrai que l’occasion perdue ne se retrouve pas ; mais enfin une occasion perdue est du temps perdu, et on ne saurait guère exagérer le prix du temps dans la guerre actuelle. Tout en prêchant la patience, nous voudrions bien ne pas être obligés à en avoir autant. Il est clair qu’au moment où les Russes étaient maîtres de la Galicie, où ils avaient occupé la plupart des cols des Carpathes, où ils avaient déjà mis le pied dans la plaine hongroise, l’intervention de la Roumanie aurait eu un effet décisif immédiat. Ce qui s’est passé alors, nous ne voulons pas le rechercher. Peut-être y a-t-il eu d’un côté des prétentions excessives. Peut-être a-t-on cru de l’autre que, si on devait y accéder un jour, il n’y avait pas urgence à le faire et qu’on avait le loisir de négocier. Comme dans toutes les choses humaines, ces attitudes différentes ne