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les élémens d’une situation très complexe ? Nous n’avons nullement l’intention de lui opposer notre clergé national qui, depuis le commencement de la guerre, a une attitude et tient un langage admirables ; mais enfin, les cardinaux français viennent d’écrire aux évêques une lettre qu’il faut lire après celle du Pape, parce qu’elle la complète heureusement. Après avoir, eux aussi, gémi sur les maux de la guerre, ils écrivent : « En présence de l’épreuve qui se prolonge, n’est-il pas opportun d’adresser à nos fidèles quelques paroles de réconfort, pour les encourager à la patience, à la persévérance dans l’effort, à la confiance dans le succès de notre cause ? Notre cause est la cause de la justice, puisque nous combattons pour sauvegarder l’intégrité de notre territoire et notre indépendance nationale ; notre cause est la cause de la civilisation elle-même, car nous sommes les défenseurs des principes de droit, de fidélité aux traités et d’humanité en dehors desquels il n’y a pas de civilisation digne de ce nom, et cette cause a pour soutien une armée que la valeur de ses chefs et l’héroïsme de ses soldats rendent invincible. » Enfin nos cardinaux demandent aux puissances célestes, « avec le triomphe de nos armes, le bienfait d’une paix durable. » Ce dernier mot est le mot juste. Paix honorable, dit l’empereur d’Allemagne : paix durable, répondons-nous. Le langage des cardinaux rend un son vraiment français. Et qu’en nous comprenne bien : nous ne demandons pas au Saint-Père d’en tenir un semblable, car il est le Pape de tous les catholiques, à quelque nationalité qu’ils appartiennent. On comprend à la rigueur que ses préoccupations aillent à la paix, sans qu’il se préoccupe de savoir à qui elle profitera davantage. Mais nous avons, nous, le droit et le devoir de nous le demander.

C’est ce qu’on fait en Russie. La Douma s’y est réunie le 1er août, et sa première séance a eu dans le monde entier un grand et légitime retentissement. Elle paraît destinée et est d’ailleurs résolue à jouer, au milieu des événemens qui se déroulent, le rôle qui appartient à une assemblée organe et interprète de l’opinion du pays. C’est l’Empereur en personne qui a voulu la convoquer, sentant bien qu’il trouverait en elle un appui. Plusieurs ministres ont pris la parole : M. Sazonof, ministre des Affaires étrangères, M. Bark, ministre des Finances, M. Gorémykine, président du Conseil. Le premier et le troisième de ces discours sont les plus importans pour nous. M. Sazonof avait beaucoup à dire. Il a parlé de la politique générale ; il a envoyé à notre nouvel allié, l’Italie, un salut cordial qui a été couvert d’applaudissemens ; quelques inquiétudes s’étant