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Combien de fois à la douleur tu m’as ravie !
Contre moi-même tu savais me protéger ;
Tu me semblais souvent un divin messager ;
Je t’appelais tout bas ma lumière et ma vie.

Et cependant, ô mon trésor, je t’ignorais,
Je ne pressentais pas mon deuil et mes regrets ;
Mais aujourd’hui mon cœur est clairvoyant et sage,

Il fut illuminé par l’ange au glaive ardent :
Amour, je te connais et j’ai vu ton visage,
Car on ne t’aperçoit jamais qu’en te perdant.


L’UNION SUPRÊME


Dieu ne veut pas que pour toujours notre espoir meure,
Que les liens les plus puissans et les plus doux
Soient rompus sans pitié par un destin jaloux ;
Vous l’avez appris, vous dont la flamme demeure.

Vous fûtes à ce monde arrachés avant l’heure,
Ou condamnés au deuil solitaire… Sur vous,
Mère ou sœur délaissée, infortunés époux,
Plus d’une âme attendrie et pitoyable pleure.

Mais ces riches d’un jour qui plaignent votre sort,
Ceux qui n’ont point passé par l’ombre de la mort,
Ni gravi comme vous la douloureuse voie,

Que peuvent-ils savoir de votre amour si beau,
De votre surhumaine et triomphante joie,
Cœurs à jamais unis par-delà le tombeau !