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vitrée, était fermée à clé… J’ai d’abord été très embarrassée. Le temps passait ; mais j’ai réfléchi, je me suis dit : « Avant tout, il faut que j’arrive au rendez-vous… J’ai vu qu’en montant sur une chaise, je pouvais casser la vitre et tourner la clé. Vite, c’est ce que j’ai fait et je suis arrivée, en courant, dans ma cave… Mais j’étais bien ennuyée ; tout de même, j’avais cassé un carreau, un grand carreau ; j’avais peur d’être punie… Alors, j’ai été trouver Mme X…, je lui ai tout expliqué et voilà qu’elle ne m’a pas grondée ; elle m’a fait des complimens, au contraire. Elle m’a dit que j’avais bien agi et que ma vie était plus précieuse qu’un carreau… c’est aussi mon avis. »

Gentille, assurément, cette mignonne. Dans quelques années, je la vois très bien devenue une femme comme nous les aimons, en France : de la décision, de l’intelligence avec un rien de malice. Sa prime indépendance nous fait sourire.

Pour nos petits Parisiens, comme on le sait de reste, la randonnée des Zeppelins ne les a guère émus :

« Si les Allemands croient nous faire du chagrin, avec leurs bombes, ils se trompent… Si Guillaume nous avait entendus rire, il aurait été bien attrapé…

« Maman est venue me réveiller car je n’avais pas entendu le clairon et, comme nous habitons au cinquième, elle a voulu que nous descendions à la cave… C’était très drôle de rencontrer à chaque palier les autres locataires en chemise, leur bougie à la main, se dépêchant de descendre… Il y avait là des tas de binettes que nous ne connaissions pas… Mon petit frère, qui a quatre ans, ne comprenait rien à tout cela et il demandait :

« — Pourquoi ils veulent nous faire du mal ? Pourtant, nous ne sommes pas méchans ! »

« Dans la cave, il faisait un froid du diable et je m’ennuyais beaucoup. Alors, comme j’ai trouvé une petite balle dans ma poche, je me suis mis à jouer. Puis, on est remonté ; j’ai dormi jusqu’à huit heures et demie ; maman a attrapé un bon rhume et elle a dit que ce monsieur Zeppelin pouvait nous renvoyer ses Zeppelins, nous ne descendrions plus dans la cave… »

Transportons-nous à Saint-Dié. Ecoutons la plainte de ce mioche qui était enfant de chœur, dans une des églises, quand les Allemands occupèrent sa ville :

« Tous les matins, j’allais, comme avant, servir la messe et quand je ne comprenais pas ce que le prêtre allemand