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plus encore notre chant qu’à n’importe qui ; ils chantaient aussi l’hymne belge et l’hymne italien. Ils criaient : « Vive la France ! » et nous, on les acclamait ; ils avançaient sous une pluie de fleurs… Quand tous furent dans le train, ils criaient : « A Berlin ! à Berlin !… »

« Après que les nôtres furent partis, il arriva des Hindous, ou plutôt, relate une fillette à laquelle l’ombre de Sarcey a dû sourire, il arriva des Indiens, car ils ne veulent pas qu’on les appelle Hindous, mais Indiens. Ils débarquèrent à la Joliette. Nous autres, les Marseillais, pour les voir passer, nous formions des deux côtés une haie à la Cannebière et dans la rue Saint-Ferréol. Ils sont magnifiques à voir. Il y a des cavaliers avec de longues lances qui font frémir. Leurs vêtemens sont « kaki » et ils ont la tête enveloppée d’un turban. Ils étaient fiers sur leurs chevaux ou assis dans leurs petites charrettes attelées de mules qui sont venues avec eux des Indes… Ce sont de bien beaux hommes, grands, forts ; leurs yeux sont pleins de douceur, mais je les envie surtout à cause de leurs dents qui sont blanches comme du lait… On les applaudissait et on les acclamait par des cris de : « Vive l’Angleterre ! » Tout le monde ne cessait de leur jeter des fleurs. Ils défilaient au son des fifres et en poussant de temps en temps des cris gutturaux… Ils semblaient contens de penser que, bientôt, ils iraient combattre les Prussiens ; ils nous faisaient comprendre par des gestes qu’ils couperaient la tête des Allemands… Eux aussi, nous regardaient. Il y en a un qui, par un léger baissement de tête, m’a fait bonjour, et je lui ai répondu. »

Maintes fois, les enfans de Marseille ont été visiter les Indiens, dans leur camp, au parc Borelly ; écoutons-les nous le décrire en leur langue incorrecte, mais pleine de fraîcheur :

« C’est très curieux. Ils vivent sous de grandes tentes blanches ou jaunes ; ils sont très propres ; ils se lavent tout le corps à grande eau, chaque jour ; s’ils ont la peau si foncée, ce n’est pas parce qu’ils sont sales, c’est parce que le soleil, dans leur pays, est très chaud. Ils font eux-mêmes leur cuisine ; ils se sont organisé des fourneaux ; c’est quatre briques droites se touchant et formant un carré ; à l’endroit vide, ils font du feu et, sur les briques, ils mettent leurs marmites. Ils se nourrissent de lait de chèvre, de riz, et ils aiment beaucoup les oranges et les choses bien épicées ; dans tous leurs fricots, ils