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du froid, de la pluie ; ils ont aussi faim et soif. C’est pour nous qu’ils souffrent sans se plaindre. Ah ! jamais, les petites filles de France ne pourront leur payer leur dette de reconnaissance… Aussi, dans mes chaussettes, j’ai glissé une demi-livre de chocolat, et comme j’avais encore un peu d’argent, j’ai mis des cigarettes, du papier à lettres et un crayon. J’ai plié le tout, bien arrangé, dans un beau papier blanc. J’y ai mis toute mon adresse, car je suis maladroite d’habitude. Ensuite, je l’ai attaché avec un beau ruban bleu, blanc, rouge… Comme j’aurais voulu être plus riche pour pouvoir mettre de meilleures choses !… »

Deux journées ont laissé une vive impression dans l’esprit de nos enfans : celle de la vente du « 75 » en faveur de nos soldats ; celle qui fut dédiée à la glorification des Serbes :

« Ce dimanche-là (celui de la journée du « 75 »), explique un bambin, je vis, dans les rues, des jeunes filles de dix-sept à vingt-six ans, — admirez cette précision, — qui vendaient le merveilleux 75, imprimé sur un petit carton. Ces jeunes filles étaient riches et bien habillées et elles vendaient le « 75, » pour les soldats qui sont sur le front, pour leur donner du tabac et des chaussettes… Je réfléchis et je me dis : Par bonheur, j’ai, dans la poche de mon pantalon, une pièce de 25 centimes… Je la trouvais, nouée dans un coin de mon mouchoir… J’hésitais d’abord ; mais, je pensais à nos bons petits soldats qui se battent bien dans les tranchées pour défendre notre patrie et, parmi eux, il y a mon père, et ça me fit compassion… Alors, je m’avançais vers la jeune fille qui vendait et je lui donnais mes cinq sous : toute ma fortune… Et, en m’en allant, on aurait dit que j’étais plus content qu’avant… » D’ailleurs, observe un camarade de ce petit physionomiste qui, à six mois près, sait l’âge des jeunes filles, « d’ailleurs, deux sous, ça ne ruine pas un homme et pourtant, deux sous plus deux sous font une jolie somme à la fin… »

La journée serbe fut exclusivement scolaire. Mieux que nous, nos enfans savent donc comment elle se passa : « Le matin de la journée serbe, j’arrivais à l’école, et j’aperçus, au-dessus de la porte, un grand drapeau serbe autour duquel étaient écrits ces mots : Vive la Serbie !… Dans notre école, comme dans toutes les écoles de France, les élèves ont porté quelques sous et, tous ces sous, on les a envoyés au ministre