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communautés protégeraient la colonie anglaise contre les incursions redoutées des Zoulous, sans risques pour la métropole. Cette politique étroite n’était pas celle des administrateurs anglais résidant dans le pays. Sir George Grey, gouverneur de la colonie du Cap, déclarait en 1857 que « les colonies sud-africaines ne pourraient, qu’au moyen d’une fusion fédérale seulement, être rendues assez fortes et capables d’une action commune pour se défendre seules contre les indigènes. » La population de l’Afrique du Sud était encore presque tout entière d’origine hollandaise et on ne pouvait douter que si « une grave question nationale était soulevée, qui créerait un mouvement populaire, le fait de dire que ces populations étaient des nations différentes ne les rendrait pas étrangères les unes aux autres, et l’existence d’une rivière aisée à franchir, courant entre elles, ne pourrait rompre leur sympathie et les empêcher d’agir en commun. » Le moment eût été propice pour replacer sous la suzeraineté anglaise les jeunes communautés dont on avait imprudemment reconnu l’indépendance : le Volksraad de l’Etat d’Orange, conscient de sa faiblesse, déclarait désirable « l’union ou l’alliance avec la colonie du Cap, sur la base de la fédération ou autrement. » Si l’on eût fait droit à ce désir, les colons établis au Nord du Vaal, plus faibles encore, n’auraient pas tardé à suivre cet exemple. De sanglantes tragédies eussent été ainsi épargnées aux peuples sud-africains. Malheureusement, le gouvernement métropolitain se refusa à modifier sa politique. Une tentative de fédération faite quelque vingt ans plus tard, sur l’initiative, cette fois, de la métropole, échoua. L’opposition vint alors de la colonie du Cap, dont la population, récemment dotée d’un gouvernement autonome, entendait qu’un projet de ce genre prît naissance dans l’Afrique du Sud elle-même.

Vers le même temps, la découverte de riches mines de diamans, bientôt suivie de celle de mines d’or, dans ces régions de l’intérieur si dédaignées jusque-là par le gouvernement anglais, vint révolutionner l’Afrique australe. Les populations établies sur le plateau y vivaient loin de la civilisation, d’une vie semi-nomade, égratignant à peine le sol, se contentant des produits de leurs troupeaux. Les anciens immigrans de la colonie du Cap avaient multiplié, mais leur isolement avait beaucoup modifié leur caractère. Cet isolement profond où ils