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sous-marins reçurent l’ordre de tout frapper indistinctement. Bon nombre de bâtimens neutres, hollandais, norvégiens, suédois ou danois, ont été leurs victimes, tout comme d’authentiques anglais et français.

L’influence matérielle de ces destructions sur l’issue de la guerre est évidemment nulle ; elle le serait encore, si la proportion actuelle, du cinq centième sur l’ensemble des entrées et des sorties en Angleterre, venait à être dépassée. L’effet moral a déçu l’Allemagne, parce que les neutres se sont sentis lésés et menacés et que le Es ist nicht wahr allemand n’est plus ici de saison.

Au point de vue du droit international, si l’on consulte les conventions de La Haye, leur silence est éloquent. Dans les Congrès, chaque délégué aurait regardé comme une injure à son pays, l’hypothèse qu’il pût se prêter à de semblables opérations. Le savant jurisconsulte, qui y a représenté la France avec tant d’autorité, a signalé occasionnellement l’incapacité où sont les torpilleurs de participer à certaines opérations de croisière, due à l’impossibilité où ils seraient de recevoir à bord tout le personnel d’un paquebot. Bien des années auparavant, dès l’apparition des premiers torpilleurs, la question se discutait dans nos cercles maritimes. L’avis unanime était que tous les pays de la terre s’accorderaient à mettre hors la loi les torpilleurs qui couleraient les paquebots. On faisait même au pays qui a vu naître la loi de Lynch l’honneur de le placer à la tête de la croisade.

La guerre sous-marine allemande restera comme un incident sans lendemain, un cauchemar, si l’on veut, dans les annales de l’humanité.

Voyons maintenant les enseignemens de la guerre au sujet des institutions existantes et de leurs modifications futures. Ces enseignemens portent principalement sur deux points : l’importance du rôle de la contrebande de guerre et la difficulté, ou même l’impossibilité du blocus.

Tous les pays, ceux d’Europe tout au moins, sont maintenant tributaires de l’étranger pour leur matériel de guerre. Les métaux rares comme le nickel et le chrome et même des métaux usuels comme le cuivre, indispensables à la fabrication des armes, ne sont fournis qu’en faible quantité par la métallurgie européenne. Des matières non moins nécessaires, coton,