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température d’environ 70°, nécessaire à la combustion de la dynamite (ou plutôt de la nitroglycérine qui est son principe actif), s’est, dans les deux cas, propagée d’un point à l’autre de sa masse de façon fort différente.

Dans le premier cas, la combustion amorcée par l’allumette s’est propagée de proche en proche par contact direct, par conductibilité, comme on dit ; la dynamite étant mauvaise conductrice de la chaleur, la décomposition n’atteint que peu à peu les divers points de sa masse et les gaz libérés ont le temps de s’écouler au fur et à mesure dans l’atmosphère.

Si, au contraire, on produit sur la dynamite un choc violent, le phénomène est tout différent : ce choc comprime avec une brusquerie extraordinaire la couche de dynamite sur laquelle il se produit ; cette couche est tout entière et instantanément portée dans toute sa masse par cette compression à une température élevée qui suffit à décomposer la nitroglycérine. (On sait que les compressions brusques produisent de la chaleur : la fusion des balles de plomb lancées par un fusil sur une plaque de métal en est un exemple.) Mais les gaz produits instantanément par la couche subitement décomposée n’ont pas le temps de s’écouler dans l’atmosphère ; ils agissent eux-mêmes comme un marteau sur la couche adjacente qui se décompose brusquement à son tour et ainsi de suite. L’onde explosive ainsi produite se propage à l’intérieur de la substance avec une vitesse énorme et infiniment supérieure à celle de la propagation de la chaleur par conductibilité dans le même milieu. Celle-ci n’est en effet que de quelques millimètres par seconde, tandis que la propagation de l’onde explosive est de plusieurs milliers de mètres par seconde. Dans le cas de la dynamite, cette vitesse est d’environ 2 700 mètres ; elle est d’environ 6 000 mètres dans la mélinite, d’environ 7 000 mètres dans le coton-poudre, de plus encore dans la nitromannite et dans ces explosifs dérivés de l’oxyde azotique que Turpin a appelés les panclastites. Dans ces conditions, les gaz produits par la combustion, dans le temps infiniment petit qu’il faut à celle-ci pour parcourir toute la masse de l’explosif n’ont pas pu se dégager à l’air libre ; l’intérieur de cette masse est soumis instantanément à la pression énorme de ces gaz, qui se comportent comme s’ils étaient en vase clos, et elle éclate avec fracas en produisant des effets mécaniques énormes et proportionnés à la vitesse de cet éclatement.

Ce qui prouve que le phénomène de l’onde explosive est essentiellement différent de la propagation par conductibilité calorifique, et qu’il est l’effet d’un choc, c’est l’expérience classique de la détonation par