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cause des peuples. » On flétrit un système qui entravait la gentille Allemagne, le prudent système de l’ancien régime. Telle fut l’étonnante folie ; nous en subissons les conséquences, l’Europe entière avec nous.

Très concis, net, muni de toutes ses preuves, dégagé de toute inutilité, le petit volume de M. Jacques Bainville, chef-d’œuvre persuasif, nous mène (disais-je) à ses conclusions. Je crois qu’il y a, dans ses conclusions, beaucoup de vérité. Si je n’en dis pas davantage et ne le loue pas de formuler l’incontestable vérité, la stricte vérité hors de laquelle rien ne vaut, c’est qu’on éprouve, après l’avoir lu, je ne sais quel embarras émerveillé à songer que voilà, de par lui, extrêmement simples, voire simples à l’excès, les choses les plus compliquées et difficiles. Tant d’habileté vous enchante, et bientôt vous effraye. A-t-il tenu compte de tout ? S’il avait tenu compte de tout, l’un des plus formidables et angoissans problèmes de l’histoire nous apparaîtrait-il ainsi, parfaitement clair et tel que la solution se fait, en quelque sorte, d’elle-même ? Or, ce problème, on ne peut pas dire qu’avec son excellente politique la monarchie soit parvenue à le résoudre. Oui, les Capétiens ont réussi à retarder jusqu’au XVIe et jusqu’au XVIIe siècle, un grand conflit de la France et des Allemagnes. Mais ni la guerre de Trente ans n’a été évitée, ni la guerre de Sept ans ; ni la constitution d’une Allemagne, moins néfaste que la nouvelle Germanie, néfaste pourtant, n’a été supprimée. Pourquoi ? Eh bien ! le problème était plus compliqué, dans l’histoire, plus enchevêtré à d’autres qu’il ne l’est dans le petit volume de M. Jacques ainville. Et M. Jacques Bainville n’est-il pas sur le point de le reconnaître, quand il écrit à propos d’un hasard récent : « C’est un exemple qui prouve combien la politique est mouvante et qui montre l’imprudence qu’il y a à s’y croire jamais assuré de l’avenir ? »

J’entrevois d’autres objections auxquelles il me semble que l’Histoire de deux peuples n’a pas répondu par avance. Mais je ne puis donner à ces objections la rigueur saisissante qu’a, dans l’vistoire de deux peuples, la série des argumens, si précisément je lui reproche un peu cette rigueur.

La monarchie française avait raison, l’opinion publique avait tort : cela, M. Jacques BainAdlle l’a démontré. Concluons : il fallait réduire à néant l’opinion publique. La monarchie française n’a pas réduit à néant l’opinion publique. Elle est entrée en lutte avec l’opinion publique ; et elle a succombé. M. Jacques Bainville date de 1756 et du renversement des alliances la brouille du peuple et de la royauté. Or,