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siècle dernier, Geoffroy Saint-Hilaire qui fonda l’embryogénie. Un peu plus tard en Allemagne, l’embryologie comparée se développe avec von Baer, et Schwann établit la théorie cellulaire. Dans certaines sciences spéciales comme l’histologie et la cytologie, à la suite d’observations fondamentales faites ailleurs, des progrès importans sont réalisés en Allemagne, grâce à l’excellence des techniques et au nombre considérable des chercheurs.

Le nom de Pasteur vient se placer à côté, sinon au-dessus de ceux de Lamarck, de Darwin et de Claude Bernard. Ses travaux sur les fermentations ont orienté la biologie dans des voies inattendues et son œuvre a en médecine des prolongemens indéfinis. Les perfectionnemens apportés en Allemagne aux méthodes de culture ont permis de faire d’intéressantes découvertes, mais les idées et les faits essentiels apportés depuis Pasteur dans le domaine immense auquel se rattache le nom de ce grand bienfaiteur de l’humanité, tels que la phagocytose, la bactériolyse et l’hémolyse, l’anaphylaxie, sont dus à des savans russe, belge, français.

On voit assez, par l’historique rapide qui précède, combien peu la science allemande est fondée à prétendre à l’hégémonie universelle. Si important qu’ait été l’apport de l’Allemagne, nous ne sommes pas injuste en constatant que les grandes idées directrices sont le plus souvent venues d’ailleurs. L’Allemagne sans doute a eu des chercheurs de génie, et personne ne se donnera le ridicule de vouloir diminuer un Gauss, un Clausius, un Kirchoff, un Helmholtz, mais il faut une singulière complaisance pour croire que l’Allemagne tient le premier rang dans les découvertes fondamentales qui ont depuis trois, siècles contribué à la formation de la science moderne.


II

C’est donc par une singulière aberration que la race germanique se proclame seule dans le monde capable de travailler au développement scientifique de l’humanité. Est-il possible de trouver quelques raisons à cette croyance de tant de cerveaux germains en leur supériorité ? Sans doute, la démence collective, qui pousse le peuple allemand à se regarder comme un peuple