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lui seul et pour sa mère. C’est un soulagement pour eux. Je t’embrasse. — Valérie.


A propos des derniers bruits d’assassinat et des émeutes qui troublent sans cesse le règne de Louis-Philippe, la Reine disait : « Le pouvoir est souvent aveuglé par les gens qui l’entourent… de loin, on mesure les plus vastes perspectives ;… dans une forêt, la moindre feuille d’arbre qui se place devant notre œil, nous empêche de voir les objets les plus rapprochés comme les plus lointains…


Mercredi 25 janvier 1837.

…M. Parquin et M. de Gricourt sont arrivés. Le premier mot de M. Parquin a été : « A-t-on des nouvelles du Prince ? » J’ai trouvé M. de Gricourt pâli, maigri et changé : de pareilles souffrances éprouvent à tout âge. Il croit la cause meilleure que jamais et a beaucoup d’espérance pour l’avenir. Mais il faudrait un journal et il voudrait qu’on achetât le National. M. Parquin ne sent plus sa blessure, et le pauvre homme n’a de tristesse que de ses mauvaises affaires. MM. de Persigny et de Gricourt étaient également mécontens de M. Vaudrey. Dans les affaires malheureuses, cela arrive toujours : les gens du même parti se querellent entre eux. C’est si vrai que M. de Gricourt ne veut pas encore rejoindre M. de Persigny, de peur de trop se disputer. Ce pauvre petit a aussi ses chagrins particuliers… Sa mère est très mal pour lui. Leurs griefs contre M. Vaudrey est que c’était lui qui devait se battre avec Talandier et aussi de ce qu’il a laissé partir sa femme pour Paris pour rester avec cette Gordon, qui est un véritable houzard. Elle a tiré un pistolet contre l’officier qui, après l’affaire, est venu prendre le drapeau chez le colonel. Lorsqu’elle a été arrêtée, seule dans la cour de la prison au milieu des officiers et des soldats du 46e, elle leur demandait si c’était eux qui avaient arrêté le Prince. A leur réponse affirmative, elle leur dit qu’ils étaient des lâches et des infâmes. M. de Bruc était, à ce qu’il parait, le niais de la troupe et M. Laity le héros. M. de Gricourt est furieux contre son imbécile d’avocat, auquel son père donne 6000 francs. C’est vraiment un gentil garçon. Hier, il parlait d’acheter Salzstein. Il est resté toute la journée à causer avec la Reine. Il a de bonnes manières et beaucoup de politesse. Le soir, il nous a fait les caricatures des prisonniers.