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Laure à Valérie.


Strasbourg, mercredi 18 janvier 1837.

Alphonse arrive du Tribunal et vient de nous annoncer que tout est fini et les accusés tous acquittés presque à l’unanimité. — Vous allez être bien heureux de cette nouvelle, et je m’empresse de vous en faire part en n’y ajoutant aucune réflexion. C’est un fait grave : ceux qui désirent le bonheur et la tranquillité de leur pays doivent en être consternés et affligés. — Quand on pense que, journellement, on condamne à mort ou aux fers de pauvres soldats pour infraction à la discipline, et que des officiers pris les armes à la main soulevant leurs troupes contre le gouvernement qui leur a confié leurs armes n’ont aucune punition ; c’est inique et bien inquiétant pour l’avenir ; voilà l’opinion et le sentiment général sur cette affaire, à quelques brûlots près. Après cela, individuellement, on est content de les voir sauvés, pour leur famille, pour ceux qu’on connaissait ; la pauvre Mme Vaudrey surtout doit être bien heureuse.


Valérie à Fanny.

21 janvier 1837.

Je t’envoie bien vite, ma bonne Fanny, ce lamentable mot de Laure sur une nouvelle qui nous rend tous fous de joie. J’espère que la Reine qui était au lit pour mettre des sangsues, en éprouvera un effet salutaire. Nous savions déjà la bonne nouvelle depuis deux heures par une lettre de M. Parquin qui, en annonçant leur mise en liberté, ajoutait que toute la population était en l’air et dans une ivresse de joie telle que l’on craignait une illumination pour le soir et qu’ils étaient tous bien heureux de voir la sympathie qu’inspirait leur sort. Tu vois, qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’en son, et le sentiment général est arrangé par chacun à sa manière. J’ai eu beau lire et relire le procès dans tous les journaux, je n’y ai pas vu un mot relatif au Prince qui le couvrit de ce ridicule dont l’accablaient toutes les lettres de Laure. Heureusement, elles n’étaient l’écho que du petit cercle où elle vit. Le malheur est à présent pour